Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 2 octobre 2015 et le 29 octobre 2015, M. A...et MmeB..., représentés par la société d'avocats Da Costa-Dos Reis-Silva, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juin 2015 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du préfet du Loiret du 8 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de réexaminer leur demande d'admission au séjour au titre de l'asile et de leur délivrer, le temps de l'examen de leur demande d'asile par l'OFPRA, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de soixante douze heures suivant le prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de leur avocat, à condition que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le droit à un recours effectif a été méconnu car les décisions de remise aux autorités belges sont exécutoires dés leur prononcé, le recours ouvert à leur encontre n'est pas suspensif ;
- les décisions attaquées portent atteinte au droit d'asile garanti par le droit international et le droit interne : il n'est pas garanti que leur demande d'asile fera l'objet d'un examen équitable en Belgique ;
- la décision de réadmission n'a pas été exécutée dans un délai de six mois ;
- les décisions de réadmission en Belgique portent atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à l'article 3.1. de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré 21 octobre 2015, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui ne demande pas l'annulation du jugement de première instance, est irrecevable ;
- le droit au recours effectif n'est pas méconnu puisque les requérants ont la possibilité d'introduire une demande de suspension sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative ;
- les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que la Belgique, pays européen, qui est présumé garantir les droits fondamentaux de l'Union, aurait méconnu à leur égard les garanties dont doivent bénéficier les demandeurs d'asile ;
- le délai de transfert a été étendu à 18 mois car ils n'ont pas pris les vols qui leur ont été réservés le 9 février 2015 et le 10 mars 2015 ;
- les décisions attaquées ne méconnaissent ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2015 ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller.
1. Considérant que M. A...et MmeB..., ressortissants russes, ont sollicité l'asile politique en France le 18 novembre 2014 ; que l'examen de leurs empreintes digitales a révélé qu'ils avaient déjà formé une demande d'asile en Belgique ; que par des décisions du 19 novembre 2014, le préfet du Loiret a en conséquence refusé de les admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ; que les autorités belges, responsables de l'examen de leur demande d'asile, ont accepté de les reprendre en charge le 26 novembre 2014 ; que le préfet du Loiret, par des arrêtés du 8 décembre 2014, a décidé de les remettre à ces autorités ; que M. A...et Mme B...relèvent appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013: " 1.Le transfert du demandeur (...) de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation (...) de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...). (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite " ; que la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ;
3. Considérant que si les requérants soutiennent que les décisions de remise aux autorités belges n'ont pas été exécutées dans le délai de six mois prévu par les stipulations précitées, ils ne contestent pas qu'il ne se sont pas présentés les 9 février 2015 et 10 mars 2015 pour prendre les vols qui leur avaient été réservés pour Bruxelles ; que par ailleurs, il est constant que les requérants s'étaient vus remettre, lors du dépôt de leur demande d'admission au séjour au titre de l'asile, dans une langue qu'ils pouvaient comprendre, outre le guide du demandeur d'asile, un document d'information sur la procédure Eurodac et un document d'information sur la procédure Dublin précisant, notamment, la nature de la décision de réadmission vers l'Etat responsable du traitement, le délai et le mode de transfert, la possibilité d'un départ contrôlé et le report de six à dix-huit mois du délai de transfert en cas de fuite, c'est-à-dire s'ils empêchaient intentionnellement ce transfert ; que dans ces conditions, M. A...et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que, eu égard au délai écoulé depuis les décisions contestées, la Belgique serait déchargée de l'obligation de les reprendre ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...et Mme B...soutiennent que leur réadmission porterait une atteinte grave au droit d'asile car la Belgique ne traiterait pas les demandeurs d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties conventionnelles applicables ; que si la Belgique est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que cependant, en l'espèce, les requérants ne font valoir aucun argument de nature à établir que leur demande d'asile n'aurait pas été traitée par les autorités belges dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées porteraient atteinte au droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, que si le recours en annulation ouvert contre les décisions décidant la remise des requérants aux autorités belges n'a pas d'effet suspensif, les requérants avaient la possibilité de saisir le juge d'une demande en référé tendant à la suspension de l'exécution de ces décisions ; que par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le droit au recours effectif protégé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu ;
6. Considérant, enfin, que rien ne fait obstacle à ce que M. A...et MmeB..., qui font tous les deux l'objet d'une décision de remise aux autorités belges, emmènent avec eux leurs enfants, nés en 2012 et 2015 ; que, par suite, les décisions contestées ne méconnaissent ni l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 8 décembre 2014 par lesquels le préfet du Loiret a décidé de les remettre aux autorités belges ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à Mme D...B...ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Lenoir, président,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT030573