Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 novembre 2015, 8 mars 2016 et 16 juin 2016 M.A..., représenté par Me Depecker-Coutard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504551 du 6 juillet 2015 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2014 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Paris est irrégulier en ce qu'il méconnaît les dispositions des articles R. 741-7, R. 741-2 et L. 9 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le préfet s'est cru tenu de lui refuser un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pellissier,
- et les observations de Me Depecker-Coutard, avocat de M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant malgache né en juin 1985 et entré en France le 11 avril 2011 selon ses déclarations, y a sollicité l'asile ; que, par une décision du 23 août 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a refusé la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire ; que ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 2 septembre 2014, notifiée le 19 septembre 2014 ; que, par l'arrêté attaqué du 28 octobre 2014, le préfet de police a refusé de délivrer à M. A... la carte de résident qu'implique la reconnaissance de la qualité de réfugié, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A...relève régulièrement appel du jugement du 6 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que si la copie qui a été transmise à M. A...n'est pas revêtue de ces signatures, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision rendue par une juridiction administrative " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ; qu'il ressort du jugement attaqué qu'il comporte l'analyse suffisamment précise des conclusions du requérant ainsi que l'énoncé des moyens invoqués dans sa requête ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il ressort, en particulier du point 6 du jugement attaqué, que le tribunal administratif a énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels les moyens soulevés par le requérant, notamment ceux tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité de la décision préfectorale attaquée sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé, ne pouvaient pas être accueillis ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, enfin, que la circonstance que le tribunal administratif aurait, dans l'examen des moyens qui lui étaient soumis, commis des " erreurs de droit " ou " dénaturé les pièces du dossier " se rapporte au bien-fondé du jugement et est sans influence sur sa régularité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Paris serait entaché d'irrégularité ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : ( ...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-13 du même code : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit : :1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ; / 2° A son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 (...) " ; que l'article L. 713-1 dudit code précise : " La qualité de réfugié est reconnue et le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du présent livre " ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient qu'à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile, de se prononcer sur le droit des intéressés à l'octroi de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire ; que le préfet de police, saisi par M. A...d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-13 du même code, ne pouvait donc que la rejeter, dès lors que le statut de réfugié ou la protection subsidiaire lui avaient été refusés par les décisions précitées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ; que si M. A...fait valoir que son épouse a obtenu, le 15 décembre 2015, le bénéfice de la protection subsidiaire, cette circonstance, postérieure de plus d'un an à l'arrêté attaqué, est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 28 octobre 2014 ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d 'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait, préalablement à l'arrêté litigieux, saisi le préfet de police d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si M. A..., qui est entré en France à l'âge de 26 ans selon ses déclarations, fait valoir qu'il y résidait depuis trois ans et demi à la date de l'arrêté litigieux, qu'il avait démontré sa volonté d'intégration en obtenant des diplômes et en s'investissant dans des activités caritatives, enfin qu'il n'avait plus de liens avec son pays d'origine puisque son père avait dû fuir aux Comores et qu'il avait été rejoint en France, en mai 2013, par son épouse victime de graves sévices à Madagascar et dont la demande d'asile était en cours d'examen, le préfet de police, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé à la date de sa décision, a pu, sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, lui refuser, le 28 octobre 2014, la délivrance d'un titre de séjour ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 28 octobre 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
12. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. A... a été rejoint en France par son épouse, avec laquelle il est uni depuis 2009, après que celle-ci a subi à Madagascar en avril 2013 de graves violences ayant justifié que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi depuis janvier 2014 de sa demande d'asile, lui accorde en décembre 2015 le bénéfice de la protection subsidiaire ; que la constance des liens entre les époux, qui avaient demandé un examen conjoint de leur situation, et leur communauté de vie depuis l'entrée en France de Mme A... sont établies par les pièces du dossier ; que dans ces conditions, le préfet de police n'a pu ordonner dès octobre 2014 à M. A...de quitter la France à destination de Madagascar sans porter une atteinte disproportionnée au droit des deux époux au respect de leur vie privée et familiale et ainsi méconnaitre les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêté du 28 octobre 2014 l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui se borne à annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, n'implique pas, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de police délivre un titre de séjour à M. A... mais uniquement, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code, qu'il le munisse de l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède au réexamen de sa situation administrative ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la requête de M. A...tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi du 28 octobre 2014.
Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de police du 28 octobre 2014 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.
Le président-assesseur,
S. DIÉMERTLa présidente de chambre,
rapporteur
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04130