Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2017, MmeB..., représentée par Me Semak, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 juin 2017 ;
3° d'enjoindre à toute autorité administrative compétente, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sous astreinte de
150 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les mêmes conditions de délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et professionnelle ; il est entaché d'erreurs de fait substantielles sur sa durée de séjour, son insertion professionnelle de près de trois années et la promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée d'employée polyvalente ; ces erreurs ont nécessairement exercé une influence sur le sens des décisions ;
- la commission du titre de séjour devait être saisie au regard de sa durée de séjour de plus de dix années conformément aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa durée de présence, son intégration professionnelle avec déclaration de ses revenus et la promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à temps plein démontrent qu'elle a le centre de ses intérêts privés en France ; l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Geffroy a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née le 24 juillet 1978, et entrée en France en 2006, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...)L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans. (...) " ; que Mme B...soutient qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, en produisant à l'appui de ses allégations, de nombreux documents, notamment des ordonnances des 8 juin et 18 septembre 2006, un contrat de location et des quittances de loyer à la même adresse à Villetaneuse depuis le 1er janvier 2007 jusqu'en 2017, des attestations relatives à des cours d'alphabétisation de septembre à décembre 2006 ainsi qu'en 2007 et en 2008, des attestations de consultations mensuelles du même médecin généraliste depuis 2006, des attestations d'aide médicale d'Etat de novembre 2009 à 2017 et des avis d'imposition sur le revenu comportant des revenus entre 586 et 9 000 euros depuis 2011 ; que contrairement à ce qu'indique l'arrêté attaqué pour les années 2006 à 2009, et le jugement attaqué pour les années 2010 à 2012, elle justifie ainsi de sa résidence habituelle en France à partir de l'année 2006, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué du préfet de la Seine-Saint-Denis ; qu'il est constant que la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été saisie du cas de Mme B...en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
5. Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet de la
Seine-Saint-Denis du 19 juin 2017 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, implique seulement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que l'autorité compétente examine à nouveau la demande de titre de séjour de Mme B...; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à ce nouvel examen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706192 du Tribunal administratif de Montreuil du 5 octobre 2017 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 19 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N° 17VE03372 2