Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2017, M.A..., représenté par Me Dujoncquoy, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mars 2017 ;
3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour salarié sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous la même astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard de tous les éléments qu'il avait fournis ; ses énonciations sont inexactes, la préfecture ne lui ayant pas indiqué que son dossier était incomplet ;
- la commission du titre de séjour devait être saisie, sa situation relevant du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour " salarié " en application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 et de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfecture a commis un abus de droit sur les conditions de dépôt de son dossier en enregistrant sa demande tout en sachant pertinemment qu'elle serait refusée ; le tribunal n'a pas répondu sur le traitement défectueux du dossier ; en tout état de cause, le métier de pâtissier fait partie de la liste des métiers en tension bénéficiant aux ressortissants tunisiens ;
- l'arrêté méconnait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7 quater de l'accord franco-tunisien et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il réside en France depuis plus de six ans et travaille avec des bulletins de salaire ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes) entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Geffroy a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien né le 11 mai 1985, a sollicité le
8 décembre 2016 son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ; qu'il relève appel du jugement du 16 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2017 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A...soutient que le jugement du Tribunal n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de " l'abus de droit " commis par le préfet dans l'application de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ; que toutefois, les premiers juges qui n'avaient pas à répondre à chacun des arguments soulevés ont suffisamment répondu au point 3 du jugement en indiquant notamment qu'un étranger ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à contester la régularité du jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 22 mars 2017 :
3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise notamment les articles 3 de l'accord franco-tunisien et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève en particulier que M.A..., d'une part, " est dépourvu du visa de long séjour " exigé pour l'application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, d'autre part, que, dans le cadre du pouvoir général d'appréciation sans texte que détient le préfet, il ne justifie pas de motifs de nature à permettre sa régularisation en qualité de salarié dès lors notamment qu'il occupe un emploi à temps partiel dont la rémunération mensuelle est inférieure au seuil de 1 480,27 euros prescrit par le 6° de l'article R. 5221-20 du code du travail et qu'il n'apporte pas la preuve de sa présence en France avant l'année 2013, et qu'enfin il ne remplit pas " les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ", notamment au regard de la circonstance que ses parents, trois soeurs et cinq frères résident en Tunisie et que s'il s'est marié le 21 septembre 2016 au consulat de Tunisie en France avec une compatriote entrée en France fin avril 2016, cette dernière étant dépourvue de titre de séjour, la cellule familiale peut se reconstituer en Tunisie ; que cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Essonne qui n'était nullement tenue d'inviter le demandeur à présenter un contrat de travail respectant les dispositions du 6° de l'article
R. 5221-20 du code du travail, a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de
M. A...avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord
franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". " ; que l'article 11 du même accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l' accord. " ; qu'aux termes de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations pris en application de l'accord précité : " (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession (...)/ (...) 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) " ; que, pour examiner une demande d'admission au séjour en qualité de salarié d'un ressortissant tunisien, il incombe à l'administration de se fonder sur l'ensemble des critères afférents à l'examen de la situation de cet étranger, à l'exception du 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail dans le cas où le métier envisagé figure sur la liste annexée à l'accord du 28 avril 2008 ;
6. Considérant que M. A...a produit, à l'appui de sa demande, un contrat de travail établi le 2 décembre 2016 en qualité de pâtissier auprès de la société Sarah pour une durée hebdomadaire de 75,83 heures pour un salaire mensuel brut de 825,79 euros ; que, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet s'est notamment fondé sur la circonstance que le salaire proposé n'était pas équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 qui correspond à 1 480,27 euros ; que, d'une part, la nouvelle demande d'autorisation de travail à temps plein établie postérieurement à l'arrêté attaqué, le 31 mars 2017, est sans incidence sur la légalité du motif de refus précité ; que, d'autre part, la circonstance que le métier de pâtissier figure, dans la liste annexée à l'accord des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens, au nombre de ceux auxquels ne s'applique pas le critère de l'opposition de la situation de l'emploi est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour qui n'est pas fondée sur la situation de l'emploi ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il y a lieu par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 5 du jugement d'écarter la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de la délivrance d'un titre salarié ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que M. A...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance, par le préfet, des critères de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette circulaire est dépourvue de caractère réglementaire ;
9. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que le requérant travaille à mi-temps en qualité d'employé pâtissier depuis juin 2013 pour la même société, que le préfet de l'Essonne, aurait entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ;
10. Considérant, en septième lieu, que M. A...n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni sur le fondement des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien ; que le préfet n'a pas examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions et de ces stipulations ; que le moyen tiré de leur méconnaissance est donc inopérant ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, que M. A...pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 312-2 du code précité ; qu'il ne peut ainsi utilement soutenir que le préfet aurait omis la consultation de la commission du titre de séjour ;
11. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
12. Considérant que M. A...soutient qu'il réside en France depuis 2011 et qu'il est parfaitement intégré notamment par une parfaite connaissance de la langue française ; qu'il ne justifie cependant pas de sa résidence habituelle en France avant juin 2013, ni d'aucune circonstance particulière l'empêchant de poursuivre normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine avec son épouse qui en est également ressortissante ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs ou de ses buts ; que cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations précitées ;
13. Considérant, enfin, qu'eu égard notamment à la durée de son séjour sur le territoire français et aux attaches privées et familiales de l'intéressé, le préfet a pu, sans commettre une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M.A..., refuser son admission au séjour et l'obliger à quitter le territoire français ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
N° 17VE03377 2