Par un jugement nos 1408952-1409105 du 30 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 27 novembre 2014, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement à Me Bouchet de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2015, M.A..., représenté par Me Bouchet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2014 et sur ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;
2° d'évoquer et d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du 16 octobre 2014 ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour en vue de démarches auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Bouchet, de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2014 portant refus d'amission provisoire au séjour au titre de l'asile et sur ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;
- cet arrêté est illégal dès lors qu'il ne s'est pas vu remettre, au début de la procédure d'examen de sa demande d'asile, le document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que les défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie l'exposent, lui et son épouse, à un risque de traitements inhumains ou dégradants, traitements auxquels ils ont déjà été confrontés lors de leur séjour en Hongrie.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant chinois né le
18 septembre 1982 et qui déclare être entré en France le 13 août 2014, a sollicité, le
14 octobre 2014, son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; qu'après avoir constaté, au moyen du fichier " Eurodac ", que l'intéressé avait déjà présenté une demande d'asile auprès de la Hongrie, le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 16 octobre 2014 pris sur le fondement des dispositions, alors applicables, du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de l'admettre au séjour et, par un arrêté du 27 novembre 2014 pris sur le fondement des dispositions, alors applicables, du premier alinéa de l'article L. 531-2 du même code, ordonné sa remise aux autorités hongroises ; que, saisi par
M. A...et par un jugement nos 1408952-1409105 en date du 30 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté du 27 novembre 2014 ; que
M. A...relève appel de ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur une partie de ses conclusions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, sous le n° 1408952, M. A...avait demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2014 par lequel le préfet des Yvelines a refusé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile et, par ailleurs, présenté des conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 30 juin 2015 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;
Sur la légalité de l'arrêté du 16 octobre 2014 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 susvisé établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres (...). " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;
6. Considérant qu'il est constant que M.A..., qui doit être regardé comme invoquant les dispositions précitées, n'a pas été informé, avant l'intervention de l'arrêté en litige en date du 16 octobre 2014, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont il peut être raisonnable de supposer qu'il la comprend, des conditions d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé et, en particulier, des éléments mentionnés au paragraphe 1 de son article 4 précité ; qu'en outre, si le préfet fait valoir en défense que l'intéressé s'est vu remettre, le 30 octobre 2014, le guide du demandeur d'asile ainsi qu'une notice d'information relative à la mise en oeuvre du règlement Dublin, cette remise de documents d'information, au demeurant rédigés en langue française, langue que l'intéressé ne comprend pas, est, en tout état de cause, postérieure à la date de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, faute pour les services de la préfecture d'avoir mis l'intéressé à même de bénéficier des garanties procédurales prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, l'arrêté du 16 octobre 2014 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est, pour ce motif, entachée d'illégalité ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par M.A..., que celui-ci est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
9. Considérant que l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2014 portant refus d'admission provisoire au séjour de M. A...au titre de l'asile, pour le motif énoncé au point 6, n'implique pas nécessairement que le juge enjoigne à l'autorité préfectorale, en vertu des dispositions précitées, de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire, ni une autorisation provisoire de séjour en vue de démarches auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction en ce sens et d'astreinte présentées par M. A...doivent être rejetées ;
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que M. A...n'a pas été admis, en appel, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, dès lors, les conclusions d'appel tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Bouchet, de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1408952-1409105 en date du 30 juin 2015 du Tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de M. A...à fin d'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2014 du préfet des Yvelines refusant son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile et sur ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, et l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 16 octobre 2014 portant refus d'admission au séjour de M. A...en qualité de demandeur d'asile sont annulés.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
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N° 15VE02799