Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 7 juin 2016,
12 mai 2017 et 4 avril 2018, la société requérante, représentée par Me Bineteau, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 269 469 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi ;
3° de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de signature du président et du rapporteur sur la minute de la décision ;
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques dès lors qu'elle a subi un préjudice spécial et anormal ; à la suite de la renonciation de la commune à faire usage de son droit de préemption, elle n'a pas retrouvé d'autres acquéreurs lui proposant le prix initialement fixé et accepté par le signataire du compromis de vente du 9 juillet 2010 alors que la vente devait avoir lieu, le cosignataire du compromis de vente ayant entrepris des démarches pour l'obtention d'un prêt bancaire ;
- elle demande l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'impossibilité de vendre l'immeuble au prix de 1 205 000 euros, soit la somme de 259 000 euros, et du préjudice lié à l'impossibilité de bénéficier du régime fiscal de la taxation des plus values de vente immobilière, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2011 ;
- le maire de la commune a fait usage de son droit de préemption uniquement dans le but d'empêcher la vente de l'immeuble.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me Bineteau, pour la SCI SORAYA IMMOBILIER et de MeA..., substituant MeC..., pour la commune
d'Aulnay-sous-Bois.
1. Considérant que le 9 juillet 2010, la SCI SORAYA IMMOBILIER a signé un compromis de vente de l'immeuble dont elle est propriétaire, au n° 42 de la rue de Sevran à Aulnay-sous-Bois, au prix de 1 205 000 euros ; que, par arrêté du 4 août 2010, le maire d'Aulnay-sous-Bois a décidé d'exercer son droit de préemption, avant de confirmer à la
SCI SORAYA IMMOBILIER qu'elle y renonçait le 25 novembre 2010 ; que, le
30 décembre 2014, la société requérante a adressé à la commune d'Aulnay-sous-Bois une demande indemnitaire qui a été rejetée le 26 février 2015 ; que cette société a demandé l'annulation de cette décision et la condamnation de la commune à lui payer une somme de 269 469 euros, à titre de réparation du préjudice subi ; que, par jugement du 7 avril 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort des pièces du dossier que sont apposées, sur la minute du jugement attaqué, les signatures manuscrites du président de la formation de jugement, du magistrat rapporteur ainsi que du greffier ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement doit être écarté ;
Sur la demande indemnitaire :
3. Considérant que la société requérante soutient que le maire de la commune
d'Aulnay-sous-Bois, en exerçant son droit de préemption le 4 août 2010, avant d'y renoncer le 25 novembre 2010, a été à l'origine d'un préjudice spécial et anormal dès lors qu'elle a subi une perte financière liée à la fois à l'impossibilité de trouver un acquéreur acceptant d'acheter l'immeuble au prix fixé dans le compromis de vente du 9 juillet 2010 et à l'impossibilité de bénéficier du régime fiscal de la taxation des plus-values sur vente immobilière en vigueur jusqu'au 1er janvier 2011 ; que, toutefois, l'exercice du droit de préemption et de renonciation à ce droit n'a pas fait supporter à la société requérante, au vu des préjudices allégués, une sujétion qui excéderait celle qu'est susceptible de supporter un acheteur ou un vendeur soumis à l'incertitude d'une action de préemption en zone urbaine ; que, par ailleurs, la circonstance que la commune d'Aulnay-sous-Bois ait porté à la connaissance de la société requérante, par un courrier du 22 septembre 2010, que le bien immobilier en litige est situé sur un emplacement réservé, en vue de la réalisation d'un aménagement de voirie, n'est pas non plus de nature à constituer un aléa ou une sujétion ayant pour effet de créer un préjudice anormal ; que la responsabilité de la commune ne peut ainsi pas être recherchée sur le fondement d'une rupture d'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 213-7 du code de l'urbanisme : " A défaut d'accord sur le prix, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption, qui a manifesté son intention d'aliéner ledit bien, peut ultérieurement retirer son offre. De même, le titulaire du droit de préemption peut renoncer en cours de procédure à l'exercice de son droit à défaut d'accord sur le prix (...) " ;
5. Considérant que la circonstance que la commune d'Aulnay-sous-Bois ait, en application des dispositions de l'article L. 213-7 du code de l'urbanisme, renoncé en raison d'un désaccord sur le prix de l'immeuble préempté, à l'exercice de son droit, n'est pas de nature à engager, en soi, sa responsabilité pour faute ; que si la société requérante fait état d'une attitude ambigüe de la commune sur ses intentions ayant eu pour effet de décourager le candidat à l'acquisition de l'immeuble, il ressort des pièces du dossier que la commune a exercé ce droit à renonciation dans un délai assez court, inférieur à quatre mois, insusceptible d'être regardé comme disproportionné et déraisonnable et de nature à ouvrir droit à réparation ;
6. Considérant qu'enfin, si la société requérante soutient que le maire de la commune aurait fait usage de son droit de préemption dans le seul but d'empêcher la réalisation de la vente de l'immeuble, elle n'appuie ses allégations d'aucun élément de nature à en établir le fondement ; que, par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les préjudices allégués par la société requérante ne peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement de la responsabilité pour faute ou sans faute de la commune d'Aulnay-sous-Bois ; que, dès lors, la SCI SORAYA IMMOBILIER n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement contesté, rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à la société requérante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI SORAYA IMMOBILIER une somme à verser à la commune d'Aulnay-sous-Bois sur le fondement de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI SORAYA IMMOBILIER est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aulnay-sous-Bois tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 16VE01743