Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 avril 2017, MmeB..., représentée par Me Nunes, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 13 mai 2016 ;
3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil si ce dernier renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B...soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie par le préfet ;
- il est entaché d'erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée ;
- il méconnaît les stipulations du 1 de l'article 6 ainsi que du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il méconnaît l'article 5 et le 4 de l'article 6 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- il méconnaît également les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue, en vertu de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union ;
- cette mesure est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., ressortissante algérienne née le 21 février 1963, relève appel du jugement n° 1610815 du 29 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du préfet des
Hauts-de-Seine, en date du 13 mai 2016, rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui assignant un pays de retour ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif par Mme B...; que, dès lors, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ayant été transposée en droit interne à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... ne peut pas utilement se prévaloir directement de l'article 5 et du 4 de l'article 6 de cette directive pour contester la légalité de cet arrêté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet des Hauts-de-Seine se serait cru en situation de compétence liée pour prendre à son encontre la décision de refus de séjour en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée cette décision ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ; / (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que Mme B...soutient qu'elle réside continûment en France depuis 2006 ; qu'à cet effet, elle produit divers documents afin d'établir la durée de son séjour en France depuis cette date ; que, toutefois, notamment pour les années 2008 à 2011, 2013 et 2015, les pièces qu'elle verse au dossier sont insuffisantes pour justifier qu'elle aurait effectivement séjourné, de manière habituelle, sur le territoire ; qu'ainsi, MmeB..., qui a, au demeurant déjà fait l'objet d'un arrêté de refus de titre de séjour l'obligeant à quitter le territoire français en date du 13 mars 2014 auquel elle ne s'est pas soumise, n'établit pas résider en France depuis plus de 10 ans, ni remplir les conditions précisées par l'article 6-1 précité de l'accord franco-algérien 27 décembre 1968 ;
7. Considérant que Mme B...n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 6, l'ancienneté alléguée de son séjour en France ; que si elle soutient que vivent régulièrement en France une soeur, un frère, une cousine ainsi qu'une tante, seules la réalité et la régularité du séjour de son frère sont établies ; que, célibataire et sans charge de famille, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 43 ans et où réside sa mère ; que dans ces conditions, l'arrêté lui refusant un titre de séjour n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par cette mesure, en méconnaissance des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour est consultée lorsque le préfet envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 de ce code ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 du même code ; que, d'une part, les stipulations précitées du 1. de l'article 6 de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 n'ayant pas d'équivalent dans le code déjà mentionné, le préfet des Hauts-de-Seine n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de refuser à Mme B...le certificat de résidence sollicité sur ce fondement ; que, d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du même code que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, à l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salarié reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an (...) et portant la mention " salarié " (...) " ;
10. Considérant que Mme B...ne justifie pas, par la seule production d'une promesse d'embauche au demeurant non datée, qu'elle disposait d'un contrat de travail dûment visé par l'autorité administrative, condition à laquelle la délivrance d'un titre " salarié " est expressément subordonnée par le b) du 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'après avoir examiné d'office, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, l'application de ces stipulations, le préfet des Hauts-de-Seine a donc pu, à bon droit, estimer que la requérante ne pouvait, pour ce motif, bénéficier d'un tel titre ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ; et qu'aux termes de l'article R. 311-13 du même code : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ;
12. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE susvisée , le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
13. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien en France, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, il lui appartient de faire valoir les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France, et donc à faire obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français ; qu'il doit produire, à l'appui de sa demande, tous éléments susceptibles de venir à son soutien ; qu'il lui est également possible, lors du dépôt de cette demande, lequel doit, en principe, donner lieu à une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent de préfecture chargé d'enregistrer sa demande, voire de s'informer des conséquences d'un éventuel refus opposé à sa demande ; qu'enfin, il lui est loisible, tant que sa demande est en cours d'instruction, de faire valoir des observations écrites complémentaires, au besoin en faisant état de nouveaux éléments, ou de solliciter, auprès de l'autorité préfectorale, un entretien afin d'apporter oralement les précisions et compléments qu'il juge utiles ;
14. Considérant que MmeB..., qui ne pouvait ignorer les conséquences d'un refus de renouvellement de titre de séjour, a pu exposer sa situation lors de la demande qu'elle a formulée à cet effet devant l'administration le 29 septembre 2015 ; qu'ainsi, la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet n'est pas intervenue en méconnaissance du 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
15. Considérant, en second lieu, qu'eu égard aux motifs précédemment exposés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
N° 17VE01269 2