Résumé de la décision
La Ville de Besançon a obtenu l'expropriation d'un terrain appartenant à M. et Mme X... pour cause d'utilité publique. Le tribunal civil de Besançon a rejeté la demande de la commune visant à fixer l'indemnité d'expropriation sur la base de l'évaluation de l'immeuble au 1er décembre 1954, ordonnant plutôt une expertise pour déterminer la "juste et actuelle valeur" du bien. La Ville a contesté cette décision en soutenant que l'article 21 de l'ordonnance du 23 octobre 1958 devait être interprété de manière stricte. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la Ville, confirmant la décision du tribunal.
Arguments pertinents
1. Interprétation de la loi par les juges : La Cour a souligné que les juges ont le pouvoir d'interpréter la loi lorsque celle-ci n'est pas d'une clarté absolue. Ils ont appliqué le texte législatif à des faits clairement constatés, ce qui leur a permis de fonder leur décision sur des bases légales solides. La Cour a noté : "les juges ont le pouvoir d'interpréter la loi, lorsqu'elle n'est pas d'une clarté et d'une précision absolues".
2. Modification de la valeur du bien : Le tribunal a constaté qu'il y avait eu une modification de la consistance ou de l'état des lieux, justifiant ainsi une réévaluation de la valeur du bien exproprié. La Cour a affirmé que "dans ces conditions, il serait contraire à l'équité... de maintenir en 1958 l'estimation de la valeur du bien exproprié à celle qui avait été faite lors de l'acquisition par les propriétaires en 1955".
3. Pertinence de l'expertise : La nécessité d'une expertise pour déterminer la juste valeur du bien a été justifiée par la différence significative entre le prix d'achat de 1955 et les prix de vente ultérieurs des terrains voisins. La Cour a noté que le tribunal avait "reconnu la nécessité de recourir à une expertise" et que cela constituait une réponse implicite à l'argument de la Ville.
Interprétations et citations légales
1. Article 21 de l'ordonnance du 23 octobre 1958 : Cet article stipule que la valeur des biens expropriés doit être déterminée en tenant compte des modifications justifiées dans la consistance ou l'état des lieux. Le tribunal a interprété cet alinéa pour conclure que la Ville de Besançon ne pouvait pas se prévaloir d'une évaluation ancienne si des changements significatifs avaient eu lieu.
- Citation : "Il ne doit pas être tenu compte en cas de 'modification justifiée dans la consistance ou l'état des lieux' du 'plafond prévu et correspondant à l'estimation donnée à l'immeuble lors de la plus récente mutation'".
2. Décret-loi du 8 août 1935 : La Cour a noté que le moyen tiré d'une violation de la loi ne visait aucun des cas d'ouverture à cassation limitativement énumérés par ce décret-loi, rendant le pourvoi irrecevable.
- Citation : "Ce moyen, tiré d'une violation de la loi, ne vise aucun des cas d'ouverture à cassation limitativement énumérés par l'article 39, 13 alinéa, du décret-loi du 8 août 1935".
Cette décision illustre l'importance de l'interprétation judiciaire dans le cadre de l'expropriation et la nécessité d'adapter l'évaluation des biens aux réalités du marché et aux changements intervenus dans l'environnement immédiat des biens concernés.