Résumé de la décision
La Cour de cassation a été saisie d'un pourvoi concernant une décision de la Cour d'appel de Paris relative à la demande de l'administrateur judiciaire de la société Brunner Frères. Cette demande visait à faire déclarer inopposables à la masse les paiements effectués par le Crédit Lyonnais après la cessation des paiements de la société. La Cour d'appel avait écarté cette demande en considérant que les paiements litigieux, bien qu'effectués après la cessation des paiements, avaient été réalisés par des tiers et que la compensation légale s'appliquait. La Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel, en considérant que celle-ci n'avait pas suffisamment justifié sa décision.
Arguments pertinents
1. Connaissance de la cessation des paiements : La Cour d'appel a constaté que le Crédit Lyonnais avait connaissance de la cessation des paiements, ce qui est crucial pour l'application de l'article 478 du Code de commerce. La Cour de cassation souligne que les paiements effectués avec cette connaissance peuvent être déclarés inopposables à la masse.
> "Les sûretés constituées par le débiteur ainsi que les remises portées au compte de celui-ci en dehors des prévisions du contrat de compte courant liant les parties, peuvent être, en vertu de l'article 478 du Code de commerce, déclarées inopposables à la masse si, de la part du créancier qui prétend en bénéficier, elles ont eu lieu avec connaissance de la cessation des paiements du débiteur."
2. Effets des paiements après cessation : La Cour de cassation critique la décision de la Cour d'appel qui a retenu que certains paiements avaient été effectués avant la cessation des paiements sans vérifier si les créances étaient antérieures à cette date. Cela remet en question la validité des paiements.
> "En tenant pour effectués avant le jour de la cessation des paiements de la société Brunner, des paiements faits après cette date, par délégation de créances, sans vérifier pour chacune de ces créances, si les tiers délégués s'étaient directement obligés envers le Crédit Lyonnais antérieurement à ladite date..."
3. Compensation et effets du compte courant : La Cour de cassation souligne que la compensation ne peut être appliquée si le bénéficiaire du compte courant, en connaissance de la cessation des paiements, ne laisse plus fonctionner le compte qu'à sens unique, ce qui pourrait nuire aux autres créanciers.
> "Le compte courant doit cesser ses effets, notamment en ce qui concerne la compensation, du jour où le bénéficiaire du compte, connaissant l'état de cessation de paiement de son débiteur, ne laisse plus en réalité fonctionner le compte qu'à 'sens unique'."
Interprétations et citations légales
L'article 478 du Code de commerce est central dans cette décision. Cet article stipule que les paiements effectués par un créancier, en connaissance de la cessation des paiements du débiteur, peuvent être déclarés inopposables à la masse des créanciers. Cela implique que la bonne foi du créancier et sa connaissance de la situation financière du débiteur sont des éléments déterminants pour l'opposabilité des paiements.
- Code de commerce - Article 478 : "Les paiements effectués par un créancier en connaissance de la cessation des paiements du débiteur peuvent être déclarés inopposables à la masse."
La décision de la Cour de cassation met en lumière l'importance de la diligence dans la vérification des créances et des paiements, surtout dans un contexte de cessation de paiements, où la protection des créanciers doit être équilibrée avec les droits des créanciers qui agissent de bonne foi. La Cour rappelle que la connaissance de la cessation des paiements par le créancier joue un rôle clé dans la détermination de l'opposabilité des paiements à la masse des créanciers.