Résumé de la décision
Dans cette affaire, les consorts A... ont signé un acte notarié avec la commune de Grésy-sur-Isère pour l'échange de parcelles, dans le but d'ériger une digue pare-pierres. Après avoir saisi le tribunal administratif de Grenoble pour exiger le respect des obligations contractuelles et des indemnités pour préjudices subis à cause des travaux de construction, leurs demandes ont été rejetées pour cause d'incompétence. Les consorts A... ont alors porté le même litige devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albertville, qui a ensuite renvoyé la question de compétence au Tribunal des conflits.
Le Tribunal des conflits a décidé que la compétence est partagée : la juridiction judiciaire est compétente pour les demandes relatives à l'exécution du contrat d'échange de parcelles, tandis que la juridiction administrative est compétente pour les demandes de réparation des préjudices dus aux travaux publics.
Arguments pertinents
1. Nature du contrat : Le Tribunal a déterminé que le contrat d'échange de parcelles ne constituait pas un contrat administratif puisque, bien qu'il ait été conclu pour permettre à la commune de réaliser des travaux publics, il ne porte pas sur l’exécution d’un service public ni sur l’occupation du domaine public. Cela a conduit à la conclusion que ce contrat était un acte de droit privé. En conséquence, « il appartient à la juridiction judiciaire de connaître des demandes relatives à son exécution. »
2. Qualification des travaux de construction : Concernant les travaux de construction de la digue, le Tribunal a affirmé que ceux-ci faisaient partie des travaux publics en raison de leur finalité d'utilité générale, indépendamment du fait qu'ils étaient réalisés sur le domaine privé de la commune. « Les travaux de construction de la digue, exécutés pour le compte de la commune dans un but d'utilité générale, constituent des travaux publics. »
Interprétations et citations légales
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Contrat d'échange de parcelles
Le Tribunal a interprété le décret du 26 octobre 1849 modifié, applicable à la juridiction administrative, pour établir que le contrat d’échange de parcelles n’entrait pas dans le champ d’application des contrats administratifs, car :
- Il ne concerne pas l’occupation du domaine public (au sens de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III).
- Il n’aura pas la capacité de produire d'effets sur l'exécution des services publics.
Ainsi, le Tribunal a conclu que les différends relatifs à ce contrat relèvent de la juridiction judiciaire. Ce raisonnement s'appuie sur l'absence de conditions exorbitantes caractéristiques des contrats administratifs.
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Travaux publics
En ce qui concerne les travaux de la digue, la décision du Tribunal fait référence à l’utilité générale desdits travaux en droit administratif. Cela se base sur la notion que même des travaux situés sur le domaine privé de la commune peuvent être considérés comme des travaux publics tant qu’ils sont effectués dans le cadre d'un projet d’utilité générale. Ainsi, les règles régissant les travaux publics, y compris la compétence du tribunal administratif pour les préjudices, s’appliquent.
Citations légales pertinentes :
- Loi des 16-24 août 1790, décret du 16 fructidor an III : Ces textes fondamentaux définissent les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires.
- Décret du 26 octobre 1849 modifié - Article 34 : C'est sur cette base que le juge des référés a renvoyé la question au Tribunal des conflits, introduisant ainsi la problématique de la compétence.
Ce cadre juridique permet de cerner les spécificités de chaque type de contrat et les différentes juridictions à solliciter en fonction des enjeux soulevés, établissant un équilibre entre droit privé et droit public au sein des conflits d’ordre juridique.