Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mai 2018 et le 5 octobre 2018, l'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente, représentée par Me A..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 21 mars 2018.
Elle soutient que :
- elle demande le sursis à exécution du jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
- elle a intérêt au regard de son objet à faire appel du jugement attaqué ;
- le tribunal aurait dû retenir la tardiveté de la demande de la société Parc éolien de Baignes en application de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement ; il s'agit d'une question d'ordre public qui peut donc être soulevée pour la première fois en appel ;
- l'autorisation n'est pas conforme à l'article L. 511-1 du code de l'environnement dès lors que le projet portera atteinte au paysage environnant ; le préfet s'est fondé, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur l'avis défavorable sur ce point de l'autorité environnementale, du commissaire-enquêteur et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ; le tribunal a retenu l'absence d'intérêt du site en se fondant uniquement sur l'étude d'impact, établie par le porteur du projet ; les éoliennes du projet doivent être implantées sur l'aire de production du Cognac délimitée par le décret du 1er mai 1909 sur des parcelles labellisées " Bons bois " et " Fins bois " ; il est faux d'affirmer que le projet ne portera aucune atteinte à l'église de Mérignac qui est recensée au titre de l'inventaire général du patrimoine culturel ; des covisibilités existent avec l'abbaye de Sainte-Radegonde inscrite au titre des monuments historiques ; de nombreux hameaux subiront des atteintes visuelles ; le choix d'implantation des éoliennes fait que la visibilité concernera le parc dans son ensemble et pas seulement quelques éoliennes ; elle concernera les éoliennes sur toute leur hauteur dans un rayon de 5 km ; la suppression de deux éoliennes ne diminuera pas cette saturation visuelle ; le paysage reste directement impacté dans un rayon de 10 km par la présence de six éoliennes de 180 m de hauteur ;
- aucun autre moyen n'est de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2016 ; en première instance, la société avait soulevé l'insuffisante motivation de l'arrêté au regard de articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration mais ce moyen n'est pas fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet 2018 et le 12 novembre 2018, la société Parc éolien de Baignes, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'association requérante le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable dès lors que l'association n'aurait pas eu intérêt pour former tierce-opposition contre le jugement à défaut d'intervention de sa part ; en plein contentieux, un intervenant n'a pas qualité pour faire appel sur un jugement dont le dispositif ne comporte aucun article préjudiciant à ses droits ;
- l'application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne peut conduire au sursis à exécution dès lors que l'association requérante ne démontre pas que ses moyens sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions d'annulation présentées en première instance ;
- sa demande de première instance n'était pas tardive au regard de l'article R. 514-6-1 bis du code de l'environnement ;
- contrairement à ce que soutient l'association, le projet ne porte pas atteinte au paysage environnant ; ainsi que l'a jugé le tribunal, le paysage du site ne présente pas un intérêt appelant une protection particulière ; aucune atteinte ne sera portée au paysage par le parc éolien projeté ;
- la cour ne sera donc pas saisie par l'effet dévolutif de l'appel ; en tout état de cause, si tel devait être le cas, elle se réserve d'invoquer d'autres moyens de légalité externe que ceux développés devant les premiers juges.
Par ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 décembre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente, et de MeC..., représentant la société Parc éolien de Baignes.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 28 novembre 2016, le préfet de la Charente a rejeté la demande de la société Parc éolien de Baignes d'autorisation d'exploiter un parc éolien comportant, dans le dernier état de son projet, six éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Baignes-Sainte-Radegonde. Saisi par la société Parc éolien de Baignes, le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué du 21 mars 2018, a admis l'intervention à l'instance de l'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente et de l'association Baignes-Sainte-Radegonde sans nuisances éoliennes, a annulé l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2016, a accordé l'autorisation sollicitée par la société Parc éolien de Baignes, a renvoyé la société devant le préfet de la Charente pour la fixation des conditions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et pour la mise en oeuvre des mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente, qui a par ailleurs présenté une requête d'appel dirigée contre ce jugement du 21 mars 2018, en demande le sursis à exécution en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " (...) I bis.-Les décisions concernant les installations de production d'énergie d'origine renouvelable peuvent être déférées à la juridiction administrative : 1° Par les demandeurs ou les exploitants, dans un délai de quatre mois à compter du jour où lesdits actes leur ont été notifiés (...) ".
4. En application des dispositions citées ci-dessus, la demande de la société Parc éolien de Baignes, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2017, soit dans le délai de quatre mois à compter du 28 novembre 2016, date à laquelle l'arrêté de refus lui a été notifié, n'apparaît pas tardive en l'état de l'instruction.
Sur la contestation du bien-fondé de l'annulation prononcée par le tribunal :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
6. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet de la Charente s'est fondé sur l'atteinte que porterait le projet de parc éolien à l'identité paysagère et culturelle forte du secteur et en particulier au paysage de vignobles du cognaçais, à l'église de Mérignac et aux hameaux voisins, avec un effet d'écrasement et d'encerclement, sans que les mesures prévues par le pétitionnaire, consistant à supprimer deux éoliennes pour ramener leur nombre de huit à six, puissent y remédier. Les premiers juges ont estimé ce motif infondé et ont en conséquence, annulé la décision de refus en litige.
7. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'atteinte au paysage et l'effet d'encerclement de hameaux du secteur justifient le refus opposé par le préfet à la demande d'autorisation présentée par la société Parc éolien de Baignes, n'est pas sérieux au sens de l'article R. 811-15 précité du code de justice administratif.
8. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mars 2018.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente la somme que demande la société Parc éolien de Baignes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Parc éolien de Baignes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Protégeons nos paysages de Charente-Maritime et de Charente, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Parc éolien de Baignes. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le premier assesseur,
Frédéric Faïck
Le président-rapporteur,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02047