Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2017, M. A... C..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Le jugement attaqué comporte de manière suffisante les considérations sur lesquelles le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé pour écarter les moyens de la demande et notamment celui tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".
3. M. C..., ressortissant tunisien né le 12 juin 1993, déclare être entré en France en 2014. Il ressort des pièces du dossier qu'il a vécu quelques mois avec une ressortissante française et qu'ils ont eu ensemble une fille née le 29 juillet 2017, reconnue par ce dernier dès le 31 juillet suivant. La séparation des parents étant intervenue avant la naissance de l'enfant, M. C... n'avait donc pas vécu avec celle-ci à la date de la décision attaquée qui est intervenue le 14 septembre 2017, soit environ un mois et demi après la naissance. Durant cette brève période, M. C...démontre cependant avoir effectué des achats de vêtements pour enfant et d'articles de puériculture pour un montant d'au moins 136 euros. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces achats n'auraient pas été destinés à sa fille. Il produit, en outre, plusieurs attestations datées de septembre, et qui sont confirmées au demeurant en octobre et novembre 2017, ainsi que des documents photographiques témoignant des contacts qu'il a entretenus avec sa fille au cours de cette période. Par ailleurs, et alors qu'il était difficile pour l'intéressé de fournir des documents en nombre plus important couvrant la période séparant la naissance de l'enfant de l'arrêté, il appert que, au cours des semaines qui ont suivi l'arrêté en litige, le requérant a effectué des virements au profit de sa fille et, dès le 14 novembre 2017, déposé auprès du juge aux affaires familiales une demande tendant à reconnaître aux deux parents l'autorité parentale conjointe et à lui accorder la garde alternée de sa fille ou un droit de visite et d'hébergement. Si ces documents, qui sont postérieurs à l'arrêté préfectoral en litige, ne peuvent par eux-mêmes être utilement pris en compte pour apprécier la légalité de cet acte, ils éclairent le contexte dans lequel il est intervenu et, notamment, permettent, à ce stade, de vérifier rétrospectivement le caractère des actes posés par le père dès les premières semaines de la naissance en ce qui concerne sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant dès sa naissance, conformément aux conditions posées par le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, compte tenu des éléments produits dans le court laps de temps séparant la naissance de l'enfant et la décision ordonnant l'éloignement, il ressort des pièces du dossier que M. C... doit être regardé comme établissant avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance. Ainsi, au regard des circonstances particulières de l'espèce, et sans préjudice de l'appréciation qui pourra être portée ultérieurement par l'autorité préfectorale au regard d'une durée d'examen plus grande, la préfète de la Seine-Maritime, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français, quelques semaines après la naissance de son enfant français, a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de cette mesure d'éloignement et, par voie de conséquence, de celle fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique uniquement, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il soit enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de statuer à nouveau sur la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et que l'intéressé soit mis en possession, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... D...d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 octobre 2017 et l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 14 septembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... D...une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Seine-Maritime et à Me B...D....
N°17DA02139 2