Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars 2015 et 25 octobre 2016, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SA Saint-Louis Sucre, représenté par la société d'avocatsB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder le bénéfice de ce crédit d'impôt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la suppression de la clause de sauvegarde a porté atteinte à l'espérance légitime dont elle disposait et que cette atteinte a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette espérance légitime étant constitutive d'un bien au sens de cet article.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'unique moyen soulevé n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, notamment son article 2 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B..., pour la société Saint-Louis Sucre.
Une note en délibéré présentée par la société Saint-Louis Sucre a été enregistrée le 9 novembre 2016.
1. Considérant que, par lettre du 27 décembre 2012, la société anonyme Saint-Louis Sucre a, au titre de l'année 2010 et pour ses deux établissements situés sur la commune de Roye, dans le département de la Somme, sollicité le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 1647 C sexies du code général des impôts ; que ces demandes ayant été rejetées par le service par une décision du 25 janvier 2013, elle a soumis le litige au tribunal administratif d'Amiens ; que, par un jugement n° 1300680 du 5 février 2015, dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;
3. Considérant qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ;
4. Considérant que pour faire état d'une espérance légitime d'obtenir la restitution de la somme d'argent qu'elle sollicite, la société requérante, qui a bénéficié du crédit d'impôt en litige au titre de l'année 2009, se prévaut de l'article 1647 C sexies du code général des impôts, supprimé par la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, qui prévoyait que lorsqu'une zone d'emploi cessait d'être reconnue en grande difficulté, les salariés situés dans cette zone continuaient à ouvrir droit au crédit d'impôt pendant un an pour les établissements en ayant bénéficié au titre de deux années, et pendant deux ans pour ceux en ayant bénéficié au titre d'une année ou n'en ayant pas bénéficié ;
5. Considérant toutefois que la suppression, à compter du 1er janvier 2010, du crédit d'impôt dont pouvaient bénéficier certains établissements redevables de la taxe professionnelle en application de l'article 1647 C sexies du code général des impôts n'est intervenue qu'en conséquence de la suppression de cet impôt lui-même, qui a été remplacé par la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que cette suppression, pour l'avenir, d'un allègement d'impôt spécifique à certaines situations a été dictée par la nécessité de garantir la cohérence d'ensemble d'une réforme globale de la fiscalité directe locale des personnes exerçant à titre habituel une activité professionnelle non salariée ; que, bien qu'elle ait eu dans certains cas pour conséquence la perte du droit à un crédit d'impôt dont la loi garantissait le bénéfice pendant une durée circonscrite à un ou deux ans, cette suppression, compte tenu des motifs d'intérêt général qui la justifient et eu égard à l'atteinte limitée portée aux droits des contribuables n'a pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Saint-Louis Sucre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA Société Saint-Louis Sucre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Société Saint-Louis Sucre et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience publique du 4 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
- M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : X. FABRELe président de la formation de jugement,
Signé : C. BERNIER
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°15DA00476 2