Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.B....
Elle soutient que :
- les seules circonstances selon lesquelles M. B...serait originaire d'Erythrée et aurait prétendu être un déserteur ne peuvent suffire, à elles-seules, à démontrer qu'il serait exposé à des peines et traitements inhumains contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- M. B...ne démontre pas être exposé à un risque réel et personnel de tels traitements en cas de retour en Erythrée ;
- la décision interdisant son retour sur le territoire français n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation au regard des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. B...a commis des faits passibles de poursuites pénales en pénétrant sur des voies ferrées interdites au public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2016, M. F...B..., représenté par Me D...C..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté en ce qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et le place en rétention administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été adoptée en méconnaissance de son droit à être entendu, résultant de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;
- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'incompétence ;
- elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est fondée sur des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant d'accorder un délai de départ volontaire elles-mêmes illégales ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision ordonnant son placement en rétention administrative est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est fondée sur des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant d'accorder un délai de départ volontaire elles-mêmes illégales ;
- la préfète a méconnu l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2016, la préfète du Pas-de-Calais confirme ses précédentes écritures et fait valoir, en outre, que les moyens de l'appel incident de M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation, le 20 octobre 2015, dans l'enceinte clôturée de la gare ferroviaire du site Eurotunnel, M.B..., se disant de nationalité érythréenne, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un délai d'un an et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 19 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, d'une part, en tant qu'il fixe l'Erythrée comme pays de destination et, d'autre part, en tant qu'il interdit le retour de M. B... sur le territoire français pendant une durée d'un an ; que M. B...demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et ainsi que celle ordonnant son placement en rétention administrative ;
Sur l'appel principal de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il concerne l'annulation de la décision fixant le pays de destination prononcée par le tribunal :
2. Considérant qu'au cours de son audition par les services de police le 20 octobre 2015, en présence d'un interprète en langue érythréenne tigrigna, M. B...a soutenu qu'il était de nationalité érythréenne, faisait partie de l'ethnie tigrigna et a été en mesure de citer le nom du dirigeant d'Erythrée, sa capitale et sa monnaie ; que la préfecture ne conteste pas sérieusement les éléments ainsi invoqués par M.B... ; que l'intéressé indique avoir fui ce pays le 5 avril 2015 pour des raisons politiques, après avoir été emprisonné pendant plusieurs mois pour cause de désertion du service national ; qu'un rapport d'enquête du Haut commissariat aux réfugiés publié à Genève le 8 juin 2015 fait état des violations massives des droits humains en Erythrée notamment à l'encontre des déserteurs ; que M. B...se prévaut également mais de manière générale du climat politique en Erythrée, et notamment des violences et violations des droits de l'homme infligées aux déserteurs ; que ce dernier n'a pas entamé la moindre démarche pour solliciter le bénéficie du droit d'asile notamment en France ; qu'il n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à regarder comme établi le fait qu'il serait déserteur et personnellement exposé à des peines ou des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays du fait de son attitude face au service national ; que, dans ces conditions, le moyen tiré d'une violation de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu ce motif pour annuler la décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M. B...;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de cette décision ;
5. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-57 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E...A..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français, les décisions refusant un délai de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination, les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français et les décisions de placement en rétention ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait ;
6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;
7. Considérant que M. B...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné ;
8. Considérant, premièrement, que pour les mêmes raisons que celles du point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait ;
9. Considérant, deuxièmement, que la décision d'éloignement, qui cite le 1°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état des circonstances de fait propres à l'intéressé pour en conclure qu'il entre ainsi dans les dispositions de l'article L. 511-1, est ainsi suffisamment motivée en droit comme en fait ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français manque en fait et doit être écarté ;
10. Considérant, troisièmement, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 20 octobre 2015 ; qu'à cette occasion, assisté d'un interprète en langue érythréenne, il a été informé de ce qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre et a pu présenter les observations qu'il jugeait utiles ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une mesure d'éloignement, conformément à l'article 41 de la Charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté ;
11. Considérant, quatrièmement, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Pas-de-Calais aurait omis de procéder à un examen suffisant de la situation particulière de M. B... avant de l'obliger à quitter le territoire français ;
12. Considérant, cinquièmement, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B...;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 12 que le moyen tiré l'illégalité, par voie d'exception, de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale ;
Sur l'appel principal de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il concerne l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prononcée par le tribunal :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
16. Considérant, d'une part, que M. B...a été interpellé dans la zone d'accès restreint du site du tunnel sous la Manche qu'il avait l'intention d'emprunter clandestinement pour se rendre en Grande-Bretagne ; qu'il a été placé en garde à vue pour l'infraction de pénétration interdite sur des voies ferrées non ouvertes à la circulation publique, faits passibles de poursuites pénales ; qu'il a confirmé, au cours de son audition par la police, son désir de poursuivre son projet de rejoindre l'Angleterre ; que, dans ces conditions, le comportement de M. B...constitue une menace pour l'ordre public quand bien même il n'aurait pas fait l'objet de sanctions pénales ;
17. Considérant, d'autre part, que M. B...n'était présent sur le territoire français que depuis peu de temps et n'y justifie d'aucun lien privé ou familial ; que la circonstance qu'il n'avait pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'autorité préfectorale prononce une interdiction du territoire ;
18. Considérant qu'il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et n'a donc pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le motif tiré d'une violation des dispositions citées au point 15 pour annuler la décision interdisant à M. B...de revenir sur le territoire français pendant un an ;
19. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de cette décision ;
20. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles du point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait ;
21. Considérant que la décision contestée, qui vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. B...représente une menace pour l'ordre public, qu'il n'est présent en France que depuis seulement quinze jours et qu'il n'établit pas l'existence de liens personnels et familiaux sur le territoire national ; que la circonstance que l'arrêté ne mentionne pas l'existence d'éventuelles précédentes mesures d'éloignement ne révèle pas, par elle-même, l'absence d'examen de ce critère et signifie seulement que la préfète n'a pas entendu retenir ce critère pour édicter l'interdiction de retour ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et l'erreur de droit invoqués doivent être écartés ;
22. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 8 à 12, il y a lieu d'écarter les moyens identiques qui ont été analysés précédemment à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire ; que, par suite, que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure pour soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait privée de base légale ;
23. Considérant que M. B...ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision en litige, les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats-membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dès lors qu'à la date de l'arrêté contesté, cette directive avait été transposée en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité dans les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 2008/115/CE doit être écarté ;
24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale ; que, par voie de conséquence, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la préfète de saisir les services ayant procédé au signalement de M. B...aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en vue d'effacer ce signalement ;
Sur l'appel incident de M.B... :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
25. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 8 à 12, il y a lieu d'écarter les moyens identiques qui ont été analysés précédemment à l'encontre de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et qui sont repris à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il s'ensuit que ces conclusions doivent être rejetées ;
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
26. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées du point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait ;
27. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 25 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
28. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...). " ;
29. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est dépourvu de tout document de voyage ou d'identité, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas demandé de titre de séjour ; qu'en outre, l'intéressé, qui n'a pas déclaré de lieu de résidence effective, a été interpellé en tentant de gagner l'Angleterre sans y être légalement admissible ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais pouvait légalement, en application des dispositions du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité lui refuser un délai pour organiser son départ volontaire ;
30. Considérant que M. B...ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision en litige, les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats-membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dès lors qu'à la date de l'arrêté contesté, cette directive avait été transposée en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité dans les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
31. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;
En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :
32. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées du point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait ;
33. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision plaçant M. B...en rétention administrative ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, cette décision est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
34. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 25 et 31 que le moyen tiré de ce que la décision plaçant de M. B...en rétention administrative devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision portant refus de délai de départ volontaire, doit être écarté ;
35. Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;
36. Considérant que la préfète du Pas-de-Calais, qui avait à vérifier la nationalité de l'intéressé avant de procéder à l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, a pu légalement prononcer le placement en rétention de M. B...afin d'entreprendre les diligences nécessaires auprès des autorités consulaires érythréennes ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la préfète a méconnu l'article L. 554-1 précité ;
37. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;
38. Considérant que M. B...n'établit pas avoir un document d'identité ou de voyage valide, ni une adresse stable ou toute pièce justifiant l'existence d'un domicile en France ; que, dans ces conditions, l'intéressé doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; que, dès lors, la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant de le placer en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ;
39. Considérant que M. B...ne peut utilement invoquer directement devant le juge national les stipulations de la directive 2008/115/CE dès lors qu'elles ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;
40. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention administrative ;
41. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en tant qu'il fixait le pays de destination et comportait une interdiction de retour sur le territoire français ; que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses autres conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral le concernant ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
42. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme dont M.B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : Les conclusions de M. B...présentées par la voie de l'appel incident et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...B...et à Me D...C....
Copie sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 novembre 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA00801 2