Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que sa décision ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de la situation de M. H...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2015, M. D...F..., représenté par la SELARL Eden avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé ;
- ce dernier a ajouté des conditions non prévues par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié ;
- il a commis une erreur de fait en se fondant sur l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qui a remis en cause l'existence de la société Mandala éditions ;
- il a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle repose sur une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant le pays de destination.
M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relative à la circulation et au séjour des personnes signées le 31 juillet 1993 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement signé le 25 octobre 2007 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., représentant M.F....
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
2. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points ;
3. Considérant, en premier lieu, que M.H..., ressortissant du Congo né le 14 novembre 1980, est entré en France le 18 juin 2010 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour ; qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans, avant d'accomplir des études supérieures en Moldavie ; que si l'intéressé a quitté son pays il y a dix ans et a des engagements dans diverses associations, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour une admission au séjour ;
4. Considérant, en second lieu, que l'intéressé, qui parle cinq langues, a produit les diplômes de licence en cybernétique et informatique économique et de master en sciences économiques spécialisation gestion des affaires qu'il a obtenus en Moldavie ainsi qu'une attestation de pré-embauche établie par l'association Mandala éditions le 27 avril 2013 spécialisée dans l'édition de bandes dessinées ; que, le refus de titre de séjour du 7 juillet 2014 ayant été annulé par le tribunal administratif de Rouen, le contrat de travail avec l'association Mandala éditions a été signé le 1er avril 2015 ;
5. Considérant que, pour refuser à M. H...l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, le préfet de la Seine-Maritime s'est tout d'abord fondé à tort sur les mentions d'un avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qui remettaient en cause la réalité de l'emploi pour lequel M. F...postulait, faute pour le service d'avoir pu vérifier l'existence de l'entreprise au numéro indiqué ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'association Mandala existe au numéro de rue indiqué ; que, dans ces conditions, le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de fait ;
6. Considérant que le préfet s'est également fondé sur la circonstance que l'employeur n'avait pas recherché en vain une personne susceptible d'occuper l'emploi en cause, alors qu'une telle condition n'est pas exigée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'autorité préfectorale a ainsi commis une erreur de droit ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Seine-Maritime aurait pris la même décision si, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de la taille de l'entreprise, de son domaine d'activités et des compétences de l'intéressé, il n'avait retenu que le manque d'expérience professionnelle de l'intéressé pour l'emploi d'attaché d'éditions ;
8. Considérant qu'il s'ensuit que, compte tenu de la réalité de l'emploi en cause et de l'adéquation non sérieusement contestée entre le profil du candidat et le poste offert, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas comme constituant un motif exceptionnel la demande formulée en qualité de salarié par M. F...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 juillet 2014 ;
10. Considérant que M. F...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me E...une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F..., au ministre de l'intérieur et à Me B...E....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 10 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 décembre 2015.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe président de chambre,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA00071 2