Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen du 23 juin 2015 en tant qu'il a annulé la décision du 18 juin 2015 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen dans cette mesure.
Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. D...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ; l'intéressé ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et quand bien même, il n'aurait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et s'il est marié avec une ressortissante française, la mesure prononcée à l'encontre de l'intéressé ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où il a été condamné le 22 avril 2015 pour menace de mort et violence sur sa conjointe.
La requête a été communiquée à M. D...qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.D..., de nationalité nigériane né le 28 mai 1976 entré en France le 7 mars 2014 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 29 décembre 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que le préfet de la Seine-Maritime, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans par un arrêté du 18 juin 2015, et, d'autre part, par un arrêté du lendemain, il l'a placé en rétention administrative ; que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 23 juin 2015 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé la décision du 18 juin 2015 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
3. Considérant, d'une part, que M. D...est entré sur le territoire espagnol le 7 mars 2014 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 12 février 2014 au 11 mai 2014, délivré par les autorités françaises et s'est marié avec une ressortissante française le 18 novembre 2014 sur le territoire français ; qu'il n'a toutefois pas souscrit la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire ; que, dans ces conditions, M. D... ne justifie pas que son entrée sur le territoire français ait été régulière ; que, d'autre part, si M. D...est marié avec une ressortissante française, il ne justifie toutefois pas de la poursuite de la vie commune avec son épouse alors qu'il a été condamné à trois mois d'emprisonnement pour menace de mort et violence sur celle-ci ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours par un jugement du 22 avril 2015 du tribunal de grande instance du Havre ; qu'en outre, il est sans charge de famille et est entré en France en 2014 à l'âge de 38 ans après avoir vécu essentiellement dans son pays d'origine où réside son enfant né en 2010 et où il n'établit pas être isolé ; que dans les circonstances de l'espèce, la décision n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, et alors même que M. D... n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement, le préfet de la Seine-Maritime a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, décider de prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ; que le représentant de l'Etat est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, la décision du 18 juin 2015 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen ;
5. Considérant que, par un arrêté du 17 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 36 d'avril 2015, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme E...A..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse, à sa seule lecture, en connaître les motifs ;
7. Considérant qu'après avoir relevé la durée de la présence en France de M. D...ainsi que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, le préfet a également pris en compte le comportement de l'intéressé sur le territoire français et sa condamnation à trois mois d'emprisonnement pour menace de mort et violence sur son épouse par un jugement du 22 avril 2015 du tribunal de grande instance du Havre ; qu'il a enfin énoncé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit ;
8. Considérant que les conclusions en annulation formées par M. D...contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ont été rejetées par le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen du 23 juin 2015, devenu définitif sur ce point ; que, par suite, le moyen invoqué par M. D...tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai doit être écarté ;
9. Considérant que les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent à l'autorité compétente de tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent ; que, ce faisant, la loi ne porte pas atteinte aux objectifs définis par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qu'elle a transposée en droit interne ; que par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 18 juin 2015 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1501922 du 23 juin 2015 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen dirigées contre la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...G...D....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. F...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01298