Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 3 juillet 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que :
- elle pouvait prononcer une obligation de quitter le territoire français sans déterminer le pays à destination duquel M. A...sera éloigné dans la mesure où la décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français ; eu égard aux doutes quant à la nationalité de M.A..., elle ne pouvait fixer précisément le pays de destination qu'après avoir saisi les autorités consulaires du pays dont il revendiquait la nationalité ; cette circonstance faisait obstacle à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ;
- la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ne peut qu'être rejetée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2016, M.A..., représenté par Me E...B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de procéder, dans les mêmes conditions, à un nouvel examen de sa situation et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a été prise par une autorité incompétente ;
- il a engagé des démarches afin de demander l'asile en France et, par suite, la préfète du Pas-de-Calais, en prononçant une obligation de quitter le territoire français à son encontre, a méconnu les articles L. 741-4, L. 742-1, L. 742-3 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire a été pris par une autorité incompétente ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision de placement en rétention administrative a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 3 juillet 2015 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 1er juillet 2015 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai et le plaçant en rétention administrative ;
2. Considérant que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut obliger un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, à quitter le territoire français ; qu'elles prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; qu'en vertu de l'article L. 513-1 du même code, l'obligation de quitter le territoire français peut être exécutée d'office lorsqu'elle ne fait pas l'objet de l'un des recours prévus par l'article L. 512-1 ou qu'elle n'a pas fait l'objet d'une annulation et, lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'intéressé, une fois ce délai expiré ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, et notamment du I de l'article L. 511-1, que les décisions par lesquelles l'administration refuse ou retire à un étranger le droit de demeurer sur le territoire français, l'oblige à quitter ce territoire et lui signifie son pays de destination sont, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration, en principe, regroupées au sein d'un acte administratif unique ; que la décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 513-3, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, qui fait d'ailleurs l'objet d'une motivation spécifique ; que si la décision fixant le pays de renvoi est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, son adoption conditionne toutefois la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'obligation de quitter le territoire français dans les conditions prévues à l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant que M.A..., qui se déclarait de nationalité soudanaise, était dépourvu de tout document d'identité lors de son interpellation ; que par suite, la préfète du Pas-de-Calais, qui avait à déterminer, avant de procéder à l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, si le Soudan était le pays à destination duquel l'intéressé devait être renvoyé, a pu légalement ne pas édicter dans le même arrêté l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi ; que par suite, cette circonstance n'entache pas d'illégalité la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M.A... ; que la représentante de l'Etat est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 1er juillet 2015 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai et le plaçant en rétention administrative ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille et la cour ;
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
6. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-57 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. G...D..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment les décisions faisant obligation de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire et les décisions de placement en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que, contrairement à ce qu'allègue M.A..., il ne ressort pas des procès-verbaux d'audition que l'intéressé ait sollicité l'asile en France ; que, par suite, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du droit constitutionnel d'asile et des dispositions des articles L. 741-4, L. 742-1, L. 742-3 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le refus de délai de départ volontaire :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
Sur le placement en rétention administrative :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français sans délai doit être écarté ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ; que, comme cela a été dit au point 3, M.A..., qui se déclarait de nationalité soudanaise, était dépourvu de tout document d'identité lors de son interpellation ; que par suite, la préfète du Pas-de-Calais, qui avait à déterminer, avant de procéder à l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, si le Soudan était le pays à destination duquel l'intéressé devait être renvoyé, a pu légalement prononcer le placement en rétention du requérant afin d'entreprendre les diligences nécessaires auprès des autorités consulaires soudanaises et dont il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été effectivement mises en oeuvre ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 1er juillet 2015 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence de rejeter les conclusions d'appel de M. A...aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente affaire ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1505470 du 3 juillet 2015 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...A...et à Me E...B....
Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. H...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01473