Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2015, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 2 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder, dans le même délai, à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a omis de saisir le directeur du travail ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision du préfet méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code ;
- il en est de même des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention franco-marocaine ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été respectées ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité du refus de séjour entraîne celle de la mesure d'éloignement ;
- les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 ont été méconnues ;
- il en est de même des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2015, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 mai 2015.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été informées, en vertu de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas applicables aux ressortissants marocains pour une admission exceptionnelle au séjour par le travail et qu'il était possible de procéder à une substitution de base légale.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vinot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur le refus de séjour :
1. Considérant que la décision de refus de séjour comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que le préfet, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle du requérant, a suffisamment motivé son arrêté ; que, par ailleurs, M.B..., dont il ressort des pièces du dossier, notamment de la correspondance adressée au représentant de l'Etat le 15 septembre 2014, qu'il s'était borné à solliciter le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article L. 313-14 du même code, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté serait insuffisamment motivé en droit au motif qu'il omettrait de viser les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
2. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait adressé une demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ou même, à les supposer applicables aux ressortissants marocains, sur les dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le représentant de l'Etat n'avait nulle obligation d'examiner d'office de telles demandes, dès lors qu'il n'y était tenu par aucune disposition législative ou réglementaire ; que les moyens tirés tant de l'erreur qu'aurait commise le préfet sur la portée de la demande dont il était saisi que de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, du moyen tiré de la circonstance que le représentant de l'Etat aurait omis de saisir le directeur du travail avant de prendre sa décision ;
3. Considérant que M. B...se borne à soutenir, comme en première instance, que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ; qu'il n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
5. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant que la décision attaquée, prise à tort sur le fondement de l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. B...d'une carte de séjour en qualité de salarié, trouve son fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose, ainsi qu'il a été dit au point 5 ; que ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M.B..., qui ne vit plus avec son épouse depuis le mois de juillet 2012, qui est sans charge de famille sur le territoire français et non dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que M. B...fait valoir, comme en première instance, que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour, qu'elle serait insuffisamment motivée, qu'elle aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et enfin serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ; qu'il n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges qui ont statué sur l'ensemble des moyens, de les écarter ;
Sur le pays de destination :
8. Considérant que la décision attaquée, qui fixe le pays dont M. B...a la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible comme pays de destination, est suffisamment motivée en droit dès lors qu'elle mentionne les articles L. 513-2 et L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquels prévoient que l'autorité administrative peut assortir sa décision portant refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé ; qu'en rappelant à l'intéressé qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, le représentant de l'Etat a suffisamment motivé sa décision en fait ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. François Vinot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : F. VINOTLe président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00924