Par un jugement n° 1202840 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2015, M. E..., représenté par Me D...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2015 ;
2°) de condamner la commune d'Evreux à lui verser la somme de 27 681,20 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une chute survenue le 22 décembre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Evreux les entiers dépens et la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la responsabilité de la commune d'Evreux est engagée tant à raison du défaut d'entretien normal que de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et de la rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- il établit le lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage ;
- il a subi un préjudice important.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2016, la commune d'Evreux, représentée par Me B...G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive et, par conséquent, irrecevable ;
- M. E... n'établit ni la matérialité des faits, ni le lien de causalité entre la présence d'une éventuelle plaque de verglas et sa chute ;
- elle établit l'absence de défaut d'entretien, l'absence de carence fautive du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et l'absence de rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- la chute de M. E... est entièrement imputable à son imprudence.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux qui n'a pas produit de mémoire.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...E...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que la commune d'Evreux soit condamnée à l'indemniser des préjudices qu'il a subis suite à une chute survenue le 22 décembre 2010 sur le trottoir de la rue Diderot à Evreux ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient " dénaturé les faits " relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rouen est entaché d'irrégularité ;
Sur le défaut d'entretien normal de l'ouvrage :
3. Considérant que M. E... soutient avoir glissé sur une plaque de verglas alors qu'il marchait sur le trottoir de la rue Diderot dans la commune d'Evreux ; que cette chute lui a notamment occasionné une fracture du col du fémur droit ;
4. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement aménagé ou entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure ;
5. Considérant que M. E...produit deux attestations rédigées par des témoins directs de sa chute, qui précisent avoir assisté à sa chute sur un trottoir verglacé ; que M. E...doit, par suite, contrairement à ce que la commune fait valoir et alors même que ces attestations sont postérieures de huit mois aux faits, être considéré comme établissant tant la matérialité de sa chute que le lien de causalité entre la présence de verglas sur le trottoir et la fracture de la hanche résultant de sa chute ;
6. Considérant que M. E...soutient que le maire n'a pas pris les mesures nécessaires pour procéder à l'entretien des chaussées et voiries dès le début de l'épisode neigeux, et que cette carence est à l'origine de la présence de verglas sur le trottoir de la rue Diderot le jour de sa chute ; que si la commune fait valoir qu'elle avait délégué ses compétences en matière de voirie à la communauté d'agglomération d'Evreux à compter du 1er janvier 2007, il ne résulte pas des pièces produites que la communauté d'agglomération assumait seule l'obligation de déneiger et de saler les chaussées en période hivernale ; que la commune produit toutefois un article du magazine municipal d'information de février 2011 relatif à la gestion par la municipalité et la communauté d'agglomération de l'épisode neigeux de décembre 2010 ; qu'y sont mentionnées les 400 tonnes de sel qui ont été utilisées durant cette période, les matériels acquis par la commune et par la communauté d'agglomération, ainsi que l'ordre de priorité dans lequel les rues ont été traitées ; qu'il résulte de l'instruction que la rue Diderot ne fait partie ni des rues prioritaires énumérées dans cet article, ni des zones traitées en priorité par les agents municipaux, tels que les cours et abords des écoles, les arrêts de bus et les gares ; que la commune produit en outre l'arrêté municipal du 14 octobre 2010 par lequel le maire d'Evreux a fait obligation aux riverains de déneiger les trottoirs devant leurs habitations ; que, dès lors, la commune d'Evreux établit l'absence de défaut d'entretien normal de la chaussée ;
7. Considérant, au surplus, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, qu'il faisait jour lorsque M. E...est tombé, et d'autre part, que l'intéressé réside à proximité du lieu de sa chute ; que, par suite, le requérant ne pouvait ignorer les conditions climatiques particulières des jours précédents, et pouvait raisonnablement s'attendre à ce que les trottoirs puissent être verglacés ; que la présence de plaques de verglas sur les trottoirs le matin en période hivernale n'excède pas les risques ordinaires contre lesquels les usagers doivent se prémunir en prenant toute précaution utile, et dont ils doivent supporter les conséquences ; que par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la chute du requérant est exclusivement imputable à une faute d'inattention de sa part ;
En ce qui concerne la carence dans l'exercice des pouvoirs de police :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6, que le maire de la commune d'Evreux a organisé avec la communauté d'agglomération, l'intervention des agents municipaux pour le déneigement et le salage des voies publiques, ainsi que l'acquisition de matériels ad hoc, et qu'il a fait obligation aux occupants des logements riverains, par arrêté municipal, de déneiger les trottoirs devant leurs habitations ; que le maire de la commune d'Evreux ne saurait être tenu de remédier, totalement et en tous lieux, au risque de verglas dès son apparition ; que le maire d'Evreux a, dès lors, pu mettre en oeuvre les moyens techniques et humains dont il disposait en les affectant en priorité aux voies très fréquentées ou desservant une zone sensible telle une gare ou une école ; que si M. E...soutient que le déneigement prioritaire de certains axes constitue une rupture du principe d'égalité devant les charges publiques, il n'apporte aucun élément de nature à justifier que des trottoirs d'une voie communale de nature similaire à la rue Diderot auraient été traités pour empêcher la formation de verglas ; que le maire de la commune d'Evreux doit ainsi être regardé comme ayant mis en oeuvre, dans l'exercice de son pouvoir de police résultant des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, les moyens nécessaires pour traiter préventivement et curativement les phénomènes glissants résultant des conditions météorologiques ; que les moyens tirés de la carence dans l'exercice, par ce maire, de son pouvoir de police, et de la rupture du principe d'égalité devant les charges publiques dans l'exercice de ses pouvoirs ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'expertise et celles tendant au versement d'une indemnité provisionnelle ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Evreux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. E... à l'occasion du litige ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par la commune d'Evreux sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Evreux sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E..., à la commune d'Evreux et à Me D...F....
Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux.
Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme H...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 décembre 2016.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : D. C...Le président-assesseur,
Signé : M. I...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01727