Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2016 et le 2 septembre 2016, MmeC..., représentée par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 14 juin 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Aisne du 27 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- elle était, à la date de l'arrêté contesté, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour sur le fondement duquel elle est prise ;
- cette décision méconnaît elle-même le 10° de l'article L. 511-4 du même code ;
- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- pour prendre cette même décision, le préfet de l'Aisne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office méconnaît l'article 3 de cette convention ;
- cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement de laquelle elle est prise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2016, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité du refus de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
2. Considérant que MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo entrée en France le 13 décembre 2013, fait état de ce qu'elle est atteinte d'une syndrome anxio-dépressif pour la prise en charge duquel elle est suivie médicalement depuis le 28 octobre 2014 ; que, si, par un certificat médical rédigé le 25 mars 2016 par le docteur El Allali et par les ordonnances médicales versées au dossier, la requérante établit la réalité de cette situation, ces documents, qui sont dépourvus de toute précision circonstanciée, ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de l'Aisne, au vu notamment de l'avis émis le 30 novembre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, selon laquelle, si l'état de santé de Mme C...rend nécessaire une prise en charge médicale, un défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions et à supposer même qu'un traitement approprié à l'état de santé de Mme C...ne serait pas disponible dans son pays d'origine, il n'est pas établi que l'intéressée était, comme elle le soutient, en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors, pour lui refuser, par cet arrêté, cette délivrance, le préfet de l'Aisne n'a pas méconnu ces dispositions ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme C...de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour sur le fondement duquel elle a été prise doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;
5. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, il n'est pas établi que Mme C...aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers visés au 10° précité de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ni, dès lors, que cette disposition aurait, en l'espèce, été méconnue par le préfet de l'Aisne pour prendre une telle décision à son égard ;
6. Considérant que, si Mme C...reprend les moyens, qu'elle avait développés devant les premiers juges, tirés de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que, pour prendre cette même décision, le préfet de l'Aisne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, elle n'assortit toutefois ces moyens d'aucune argumentation permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 3 à 6, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel Mme C...pourra être reconduite d'office devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle a été prise doit être écarté ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être regardé comme dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi ; que toutefois, comme il a été dit au point 2, il n'est pas établi qu'un défaut de prise en charge médicale de la pathologie psychologique dont est atteinte Mme C...pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en outre, l'intéressée n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle elle pourrait se trouver en proie à une discrimination, en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son état de santé mental ; que, dès lors, en désignant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel l'intéressée pourra être reconduite d'office, le préfet de l'Aisne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....
Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPIN Le président de
la formation de jugement,
Signé : O. NIZET
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA01270
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