Par un jugement n° 1404697 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2017 et des mémoires complémentaires enregistrés les 2 mai 2017 et 6 septembre 2017, M. D... E..., représenté par la SCP Girard-Madoux et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2016 ;
2°) d'annuler cette délibération du 9 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du lac du Bourget la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt pour agir, dès lors qu'il est propriétaire de terrains dans la commune ;
- la communauté d'agglomération du lac du Bourget ne pouvait légalement exercer la compétence sur les documents d'urbanisme avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 modifiant l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, de sorte que la délibération du 14 septembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Saint-Offenge-Dessous a demandé à la communauté de procéder à la modification du plan était illégale ;
- la procédure de modification a été engagée par délibération du conseil de communauté du 26 septembre 2012 alors qu'en vertu de l'article L. 123-13-1 du code de l'urbanisme, seul le président de l'établissement était compétent pour prescrire cette modification ;
- le commissaire enquêteur n'a pas pris en compte les observations qu'il avait présentées lors de l'enquête publique et n'y a pas répondu, en méconnaissance des dispositions des articles L. 123-13-3 du code de l'urbanisme et des articles R. 123-13 et R. 123-19 du code de l'environnement ;
- les membres du conseil de communauté, qui n'ont pas eu connaissance de cette observation, n'ont pas disposé d'une information suffisante, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
- les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues dès lors qu'il n'est pas justifié que le délai de convocation des membres du conseil communautaire a été respecté ;
- la modification soumise au vote a fait l'objet d'une confusion en ce qui concerne les parcelles visées par cette modification, ce qui a nui à l'information des personnes consultées et du public lors de l'enquête publique, puis des conseillers communautaires lors de l'approbation de la modification ;
- le classement en zone agricole des parcelles C n° 134, 135 et 616 est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense enregistrés les 7 avril 2017, 24 juillet 2017 et 20 novembre 2017, la communauté d'agglomération Grand lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget, représentée par la SELARL Itinéraires droit public, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, M. E... ne disposant pas d'un intérêt à agir dès lors qu'il n'est pas propriétaire des parcelles dont il conteste le classement et n'habite pas dans la commune et qu'en tout état de cause il ne justifie pas d'un intérêt à demander l'annulation de la délibération en ce qu'elle approuve les autres modifications du plan ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 12 février 2018 par une ordonnance du 12 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour M. E..., ainsi que celles de Me C..., substituant Me lacroix, pour la communauté d'agglomération du lac du Bourget ;
1. Considérant que, par délibération du 14 septembre 2009, le conseil municipal de Saint-Offenge-Dessous a demandé à la communauté d'agglomération du lac du Bourget, compétente en la matière en vertu d'un arrêté du préfet de la Savoie du 20 décembre 2006, de procéder à la modification du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, lequel avait été adopté le 7 septembre 2004 ; que, par délibération du 26 septembre 2012, le conseil de la communauté a décidé d'engager la procédure de modification du PLU ; que, par délibération du 9 décembre 2013, il a approuvé la modification n° 1 de ce plan ; que M. D... E... relève appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération ;
Sur la légalité de la délibération du 9 décembre 2013 :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Offenge-Dessous du 14 septembre 2009 :
2. Considérant que la délibération du 9 décembre 2013 en litige n'a pas été prise en application de la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Offenge-Dessous du 14 septembre 2009, qui n'en constitue pas la base légale ; que, par suite, M. E...ne peut en tout état de cause utilement exciper de son illégalité ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du conseil de communauté du 26 septembre 2012 décidant d'engager la procédure de modification du PLU :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 123-6 et L. 123-13 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction alors en vigueur, l'engagement de la procédure de modification d'un PLU n'est pas subordonné à l'intervention d'une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ; que, toutefois, la circonstance que le conseil de la communauté d'agglomération du lac du Bourget ait décidé de prescrire la modification du PLU et autorisé son président à engager à cette fin les démarches nécessaires et utiles par une délibération du 26 septembre 2012, qui était ainsi superfétatoire, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la modification du PLU approuvée par le conseil à l'issue de la procédure, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le président de la communauté d'agglomération a soumis pour avis aux personnes publiques associées le projet qu'il a établi et prescrit les enquêtes publiques conjointes, par arrêté du 16 octobre 2013 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la modification aurait été engagée par une autorité incompétente doit être écarté ;
En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :
4. Considérant, en premier lieu, que si le dossier soumis à enquête publique comportait une erreur matérielle concernant l'identification d'une des trois parcelles appartenant à M. E... dont il était proposé de modifier le classement, il ressort des pièces du dossier que le plan de zonage était exact, de même que l'identification des parcelles figurant dans la partie introductive du document ; que, par suite, cette erreur n'a pu affecter la régularité de l'enquête publique ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la procédure d'enquête publique en litige : " Les observations, propositions et contre-propositions (...) sont tenues à la disposition du public au siège de l'enquête dans les meilleurs délais. " ; que selon l'article R. 123-19 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a envoyé au cours de l'enquête publique un courrier adressé au commissaire enquêteur reçu à la mairie de Saint-Offenge-Dessous le 26 novembre 2013 ; que s'il faisait état du litige d'ordre privé l'opposant à son frère dans le cadre d'une succession, il sollicitait le maintien en zone Ud des trois parcelles appartenant à son frère dont il était envisagé de modifier le classement, terrains dont il contestait l'usage agricole ; que ce courrier avait le caractère d'une observation présentée dans le cadre de l'enquête ; que cette observation n'a pas été mise à la disposition du public ni mentionnée et analysée par le commissaire enquêteur dans son rapport, en méconnaissance des dispositions citées au point 5 ;
7. Considérant, toutefois, que la méconnaissance des règles relatives à l'enquête publique n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, l'absence de prise en compte de cette seule observation relative au classement de trois parcelles n'a pu nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ; qu'eu égard à la teneur du courrier de M. E..., qui se borne, du point de vue de l'urbanisme, à relever leur caractère bâti et à contester leur classement, l'absence de prise en compte de ce courrier n'a pu exercer une influence sur les résultats de l'enquête ni, par suite, sur la décision prise à son issue ;
En ce qui concerne la convocation et l'information des conseillers communautaires :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoient les dispositions de l'article L. 5211-1 du même code relatives aux établissements publics de coopération intercommunale : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. " ;
9. Considérant qu'il ressort des mentions de la délibération approuvée à l'issue de la séance du conseil de la communauté du 9 décembre 2013, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les convocations à la séance, qui précisaient l'ordre du jour et auxquelles était jointe une note de synthèse, ont été adressées aux conseillers communautaires le 3 décembre 2013 ; que si M. E... soutient qu'elles n'auraient pas été envoyées à cette date, il n'assortit cette allégation d'aucune précision ni justification ; que, dans ces conditions, et sans que l'intéressé puisse utilement soutenir qu'un délai de convocation plus long aurait été nécessaire en raison du volume des documents envoyés aux élus, le moyen selon lequel les convocations n'auraient pas été envoyées dans les délais légaux doit être écarté ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoient les dispositions de l'article L. 5211-1 du même code relatives aux établissements publics de coopération intercommunale : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ;
11. Considérant que ni l'existence de l'erreur mentionnée au point 4 sur l'identification de l'une des parcelles de M. A... E... dans le dossier soumis à enquête, ni le fait que les élus n'aient pas été informés de l'observation présentée par le requérant au cours de l'enquête, ne sont de nature à caractériser une atteinte au droit à l'information des conseillers communautaires ;
En ce qui concerne le classement des parcelles C n° 134, 135 et 616 :
12. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points, notamment quant au classement de terrains en zone urbaine, agricole ou naturelle, ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle se révèle entachée d'une erreur manifeste ou s'appuie sur des faits matériellement inexacts ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. " ;
14. Considérant que les parcelles en litige appartenant au frère du requérant sont constituées d'une maison d'habitation et d'un jardin non clôturé ; qu'elles sont situées en bordure d'une zone d'habitat diffus regroupant une quinzaine de constructions et se rattachent à un vaste secteur agricole ; que, si ces terres, qui ne sont pas dépourvues de potentiel agronomique, ne font l'objet d'aucune exploitation, elles sont situées en face de l'exploitation agricole de l'intéressé ; que le classement de ces parcelles en zone agricole répond à l'objectif principal que se sont donné les auteurs du PLU de préserver l'activité agricole et notamment les abords des sièges d'exploitation ; que, dans ces conditions, le classement de ces trois parcelles en zone agricole n'apparaît entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que leur classement n'étant pas illégal, le requérant ne peut utilement soutenir, en tout état de cause, qu'une partie de la parcelle abritant la construction voisine a bénéficié d'un classement différent ;
15. Considérant que la modification du PLU de Saint-Offenge-Dessous ayant été engagée par la communauté d'agglomération du lac du Bourget, la circonstance que la soeur du propriétaire des parcelles mentionnées au point 14 soit conseillère municipale de la commune ne saurait, par elle-même, en tout état de cause, révéler que la modification du zonage aurait eu pour objet de le favoriser dans le litige successoral l'opposant au requérant ; que le classement des parcelles C n° 134, 135 et 616 étant par ailleurs justifié par des considérations d'urbanisme, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté d'agglomération Grand lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget à la demande de première instance, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération Grand lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget, qui n'est pas partie perdante, verse à M. E... la somme que celui-ci demande au titre des frais qu'il a exposés ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Grand lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget au titre des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Grand lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la communauté d'agglomération Grand lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
2
N° 17LY00279
fg