Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2016, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 avril 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 1er septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Mme C... soutient que :
- le titre de séjour qu'elle a sollicité doit lui être délivré de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, après appréciation de différents éléments, sans que la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine puisse constituer le seul fondement de la décision, le législateur n'ayant, en outre, pas entendu exclure du bénéfice des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les jeunes ayant encore de la famille dans leur pays d'origine ;
- le tribunal ne devait pas faire peser sur elle la charge de la preuve de l'absence de lien avec sa famille restée dans son pays d'origine mais instruire selon un mode de preuve objective ;
- il convient de porter une appréciation globale sur les critères prévus au 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, aux termes d'une telle appréciation, elle doit bénéficier du titre de séjour prévu par ces dispositions ;
- étant arrivée en France à l'âge de 14 ans, ayant été prise en charge et étant toujours prise en charge par le conseil général, il existe des considérations humanitaires justifiant, le cas échéant, qu'un titre de séjour lui soit accordé sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français repose sur une décision illégale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée compte tenu de ce qu'elle poursuit sa scolarité et est titulaire d'un contrat jeune majeur en cours ;
- la décision fixant le pays de destination est elle-même entachée d'illégalité.
Par une décision du 15 juin 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme C....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B..., première conseillère ;
1. Mme C..., de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), née le 19 juin 1997, est irrégulièrement entrée en France le 28 août 2011. A cette même date, elle a fait l'objet d'un placement provisoire auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du Rhône, confirmé par jugement du 10 octobre 2011 du juge des enfants. Le 12 mai 2015, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 1er septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
4. Par la décision attaquée, le préfet du Rhône a rejeté la demande d'admission au séjour, formée par Mme C... sur le fondement des dispositions précitées, au motif que l'intéressée n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside son père. S'il a visé l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressée et sa scolarité en France, il a fondé sa décision sur la circonstance déjà mentionnée que l'intéressée n'est pas isolée dans son pays d'origine et en a déduit qu'elle ne remplissait pas toutes les conditions d'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions. En se fondant sur ce motif, sans avoir procédé à un examen global de la situation de Mme C... au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit. Ainsi, le refus de titre de séjour en litige est illégal, de même que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
6. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, n'implique pas que le préfet du Rhône délivre à Mme C... une carte de séjour temporaire mais seulement qu'il réexamine sa situation. Il y a lieu d'adresser au préfet du Rhône une injonction en ce sens et de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti pour son exécution.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du préfet du Rhône du 1er septembre 2015 sont annulées, ainsi que le jugement n° 1509330 du 27 avril 2016 du tribunal administratif de Lyon.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme B..., première conseillère,
Mme E..., première conseillère,
Lu en audience publique le 5 juin 2018.
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N° 16LY02431
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