Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 août 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2016 par lequel le préfet de l'Ain a décidé sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de l'autoriser à déposer sa demande d'asile en France, dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir, de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'OFPRA sous le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en sa qualité de demandeur d'asile ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
M. C... soutient que :
- le premier juge a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation des faits et le défaut d'examen complet de sa situation, ainsi que sur le moyen tiré de la confusion entre les procédures de prise et de reprise en charge ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation des faits et n'a pas procédé à un examen complet et suffisant des circonstances de l'espèce, la décision attaquée ne mentionnant pas la demande de titre de séjour qu'il a présentée en décembre 2015 et le fait qu'il a été pris en charge en France par les services de l'aide sociale à l'enfance ;
- les garanties accordées entre la procédure Schengen et la procédure Dublin sont différentes et les délais de procédure sont différents selon qu'il s'agit d'une procédure de " prise " ou de " reprise " en charge ;
- les mentions contradictoire de " prise ou reprise en charge " sont donc de nature à créer la confusion quant à la détermination de la procédure mise en oeuvre par le préfet, et la décision ne porte ainsi pas à sa connaissance les éléments essentiels pour contrôler la procédure engagée à son encontre, celle-ci ne mentionnant pas la date de saisine des autorités italiennes par la préfecture du Rhône, ni le fondement de cette saisine, ni celui de l'accord de l'Italie ;
- la décision litigieuse est donc insuffisamment motivée et méconnaît les garanties accordées aux demandeurs d'asile ;
- il n'a pas été en mesure de présenter ses observations, comme le prévoient les dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu de sa particulière vulnérabilité et de la situation générale de l'Italie, en refusant d'examiner sa demande d'asile à titre exceptionnel, le préfet a méconnu le droit d'asile et a commis une erreur manifeste ;
- il existe en Italie des défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile faisant obstacle à son transfert dans ce pays en vertu des dispositions de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet ne justifie pas avoir pris des garanties suffisantes auprès des autorités italiennes ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de la possibilité de traiter sa demande d'asile à titre exceptionnel, comme le prévoient les dispositions de l'article 17 du règlement
n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2016, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- la situation de M. C... a fait l'objet d'une étude approfondie et exhaustive ;
- aucune demande de titre de séjour sur les fondements des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a été enregistrée dans ses services et la décision litigieuse a été prise exclusivement sur le fondement de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile ;
- la mention erronée d'une " reprise en charge " n'a eu aucune incidence sur la légalité de sa décision dès lors qu'elle vise l'article 13-1 du règlement UE et qu'elle est, par ailleurs, suffisamment motivée en fait et en droit ;
- la demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes a fait l'objet d'un accord explicite ;
- la décision litigieuse était accompagnée d'un courrier relatant les principaux éléments de la décision ;
- il n'est pas démontré que le centre des attaches familiales de M. C... serait désormais en France et il n'apparaît pas que l'Italie méconnaisse les règles ou principes garantis aux demandeurs d'asile, compte tenu notamment de son adhésion à la convention de Genève, à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'Union européenne ;
- l'existence de défaillances systémiques dans la protection des demandeurs d'asile en Italie n'est pas démontrée ;
- M. C... n'établit pas que son renvoi en Italie l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants ou qu'il serait privé d'un recours effectif à la procédure d'asile ;
- rien dans le dossier du requérant ne vient justifier de la nécessité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juillet 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, premier conseiller ;
1. M. A... C... est un ressortissant sénégalais né le 31 décembre 1997. Il est entré en France le 24 juin 2015, alors âgé de 17 ans et demi. En janvier 2016, il s'est présenté dans les services de la préfecture du Rhône en vue de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Lors du relevé des empreintes de M. C..., il est apparu qu'il était connu des autorités italiennes. L'Italie a été considérée comme étant l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile et le préfet de l'Ain a pris une décision de transfert aux autorités italiennes le 7 juin 2016. M. C... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. En première instance, M. C... faisait valoir que la décision litigieuse était entachée d'un examen incomplet de sa situation, au motif qu'elle ne mentionne pas la demande de titre de séjour que M. C... aurait effectuée, ni qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Le magistrat désigné du tribunal administratif a répondu au moyen tiré du défaut d'examen suffisant en indiquant que le préfet de l'Ain n'avait pas à mentionner dans sa décision tous les éléments relatifs à la situation particulière de l'intéressé, notamment dans le cadre du choix d'exercer ou non la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement. Mais il ne s'est pas prononcé sur l'incidence que le dépôt, par M. C..., d'une demande de titre de séjour était susceptible d'avoir sur la décision attaquée. Or le moyen n'était pas inopérant. Le jugement étant, dès lors, entaché d'une omission à statuer, il doit être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. C... tant en première instance qu'en appel.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ". Aux termes de l'article R. 741-1 dudit code : " I.- Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. / Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer cette mission dans plusieurs départements. (...) ". Aux termes de l'article R. 742-1 de ce code, dans sa rédaction applicable : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. / Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. ". Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 20 octobre 2015, pris en application des dispositions précitées : " I. - L'annexe au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour enregistrer la demande d'asile d'un étranger se trouvant sur le territoire métropolitain et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande. Elle précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent. / II. - Le préfet compétent reçoit de l'étranger sollicitant l'enregistrement de sa demande les pièces prévues par l'article R. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. / Si l'étranger remplit les conditions pour l'obtenir, le préfet lui délivre l'attestation de demande d'asile prévue par l'article L. 741-1 du même code. Le renouvellement de cette attestation est sollicité auprès du préfet du département dans lequel son détenteur réside ou est domicilié. ". Cette attribution de compétence, qui concerne l'instruction de la demande et, le cas échéant, la réquisition de l'Etat membre considéré comme étant responsable de ladite demande, ne vise pas la décision de transfert prise en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle reste de la compétence du préfet du département de résidence du demandeur.
5. Mme Gadou, secrétaire générale de la préfecture de l'Ain, dispose d'une délégation de signature, résultant d'un arrêté du 16 décembre 2015 du préfet, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Le requérant, à l'appui du moyen tiré de l'incompétence, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'arrêté du 7 avril 2010 portant régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile dans la région Rhône-Alpes, qui a été abrogé par l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement. Il résulte de ce qui a été dit au point 4. que le préfet de l'Ain restait compétent pour prendre la décision de transfert litigieuse, tandis que le préfet du Rhône était compétent pour déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C.... Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse manque en fait.
6. La décision de transfert de M. C... aux autorités italiennes mentionne notamment que le relevé d'empreintes de l'intéressé a fait apparaître qu'il était connu des autorités italiennes, et qu'en vertu du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013, les autorités italiennes sont responsables de l'examen de sa demande d'asile. La décision litigieuse mentionne également que les autorités italiennes ont accepté de le prendre en charge le 4 mai 2016, suite à une demande en ce sens du préfet du Rhône. Elle mentionne aussi que M. C... est arrivé récemment en France, à l'âge de 17 ans et ne présente aucun élément relatif à son insertion, notamment professionnelle, sur le territoire français, de sorte que son transfert en Italie ne méconnait pas sa vie privée et familiale et qu'il n'y a pas de raison particulière de nature à justifier sa régularisation à titre exceptionnel ou la mise en oeuvre de la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement déjà mentionné. Cette décision comporte ainsi les éléments de fait et de droit qui la fondent. Dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une demande de titre de séjour formée par M. C... soit parvenue aux services de la préfecture, en l'absence de production d'un accusé de réception ou de pièce portant le cachet de la préfecture, et alors que le préfet le conteste, la décision de transfert n'avait pas à mentionner l'existence d'une telle demande. Elle n'avait pas davantage à mentionner que M. C... a, pendant quelques mois, jusqu'à sa majorité, été pris en charge par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance, cette circonstance n'étant pas, en soi, de nature à avoir une incidence sur la décision de transfert litigieuse. La date, le fondement de la réquisition adressée par les autorités françaises aux autorités italiennes et le caractère explicite ou implicite de l'accord donné n'avaient pas davantage à être précisés, dès lors que le préfet a indiqué les raisons pour lesquelles l'Italie était considérée comme l'Etat membre responsable et l'existence et la date d'un accord des autorités italiennes. Enfin, la décision litigieuse n'avait pas à détailler les raisons pour lesquelles le préfet estimait ne pas devoir faire application des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013. Ainsi, la décision attaquée est suffisamment motivée et a été prise au terme d'un examen particulier et complet de la situation de M. C....
7. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013, intitulé " Droit à l'information " : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".
8. Eu égard à la nature des informations dont les dispositions précitées prévoient qu'elles doivent être délivrées au demandeur d'asile, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par ces même dispositions constitue pour le demandeur d'asile une garantie. Il ressort des pièces du dossier que, lors d'un rendez-vous à la préfecture le 25 janvier 2016, M. C... s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile, ainsi qu'une brochure d'information " A " relative à la détermination de l'Etat responsable et une brochure d'information " B " concernant la " procédure Dublin " du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces documents étaient rédigés en langue française, que comprend M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de ce règlement doit être écarté.
9. Aucune disposition du règlement précité ne prévoit, en revanche, que le demandeur d'asile doive être informé de la distinction entre les notions de " prise " et de " reprise " en charge, de la date de saisine des autorités de l'Etat membre considéré comme responsable, du fondement de leur saisine ou du caractère explicite ou implicite de l'accord donné suite à leur réquisition. A plus forte raison aucune disposition dudit règlement ne prévoit que la décision de transfert à un Etat membre de l'Union européenne devrait comporter des mentions sur ces points. Par suite, le moyen tiré de ce que l'absence de précision, dans la décision litigieuse, quant à ces différents éléments constitue une méconnaissance des garanties accordées aux demandeurs d'asile doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, intitulé " Entretien individuel " : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 a eu lieu le 25 janvier 2016, soit avant l'intervention de la décision de transfert vers l'Italie, Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du résumé de cet entretien, que M. C..., qui comprend le français, n'aurait pas été mis en mesure de comprendre la teneur de cet entretien, et ce à supposer même que les documents mentionnés au point 7 ci-dessus ne lui aient été remis qu'à l'issue de l'entretien. L'intéressé a donc pu faire valoir ses observations et l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'a pas été méconnu.
12. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 déjà cité : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ".
13. Aux termes de l'article 17 du même règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " Les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".
14. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complété par le protocole de New York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si M. C... soutient que l'actualité de la situation en Italie est préoccupante et qu'il existe des défaillances dans le traitement des demandes et l'accueil des demandeurs d'asile, il ne démontre pas que ces défaillances seraient telles qu'elles exposent les demandeurs d'asile à des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
15. Dans l'affaire n° 29217/12 jugée le 4 novembre 2014 par la Cour européenne des droits de l'Homme, et que M. C... invoque, la Cour relève que les capacités d'accueil de l'Italie étaient localement défaillantes, à l'époque des faits litigieux, sans qu'il s'agisse pour autant d'une défaillance systémique, la Cour ayant considéré que cette situation n'empêchait pas l'adoption de décisions de transfert, mais obligeait le pays qui envisageait une procédure de remise, lorsqu'elle porte sur une personne particulièrement vulnérable, et notamment s'agissant d'une famille avec de jeunes enfants, à obtenir au préalable, avant toute exécution matérielle, une garantie individuelle concernant une prise en charge adaptée à l'âge des enfants ainsi que la préservation de l'unité familiale. Par ailleurs, l'article 6 du règlement (UE)n° 604/2013 prévoit également des garanties particulières en faveur des mineurs. En l'espèce, M. C... n'est pas mineur et ne justifie pas, du seul fait qu'il est jeune majeur et a été précédemment pris en charge en France par les services de l'aide sociale à l'enfance, être en situation de particulière vulnérabilité et, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, il n'est pas établi que M. C... aurait déposé une demande de titre de séjour. Il n'apporte enfin aucun élément permettant de démontrer qu'il existerait, dans son cas individuel, un risque qu'il soit soumis à des traitements inhumains et dégradants. Dans ces conditions, le préfet n'avait pas à prendre des garanties particulières pour s'assurer des conditions d'accueil de M. C... en Italie, et les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'erreur manifeste d'appréciation à n'avoir pas fait usage de la possibilité laissée par l'article 17 du même règlement doivent être écartés.
16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. C... doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604714 du 1er juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Vinet, première conseillère,
Mme D..., première conseillère,
Lu en audience publique le 5 juin 2018.
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N° 16LY02876
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