Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2018 du préfet de Saône-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me D... son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir le montant de l'aide juridictionnelle au bénéfice de laquelle elle a été admise, en application de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la nécessité pour son épouse de se maintenir sur le territoire français pour être soignée ;
- à cet égard le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- les premiers juges ne pouvaient écarter les moyens présentés par voie d'exception à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2019, le préfet de la Saône et Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 21 juin 1971, relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2018 par lequel le préfet de la Saône-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative compétente qui envisage de refuser de régulariser le droit au séjour d'un ressortissant étranger en situation irrégulière et de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que ces décisions porteraient à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions sont prises. L'administration peut tenir compte, le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que les membres de la famille du ressortissant étranger ne pouvaient légalement entrer en France pour y séjourner.
3. Il ressort des pièces du dossier et de la lecture même de l'arrêté attaqué que le préfet de Saône-et-Loire après avoir constaté que la demande d'asile de M. B... avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 7 juin 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 octobre 2017, a considéré que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour se voir attribuer une carte de résident, en application des dispositions de l'article L. 314-11-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'étant pas reconnu réfugié, ni une carte de séjour temporaire en application de l'article L. 313-13 du même code, n'ayant pas obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. Le préfet était dès lors tenu de refuser le titre de séjour fondé sur la reconnaissance d'une qualité que l'intéressé n'avait pas.
4. Il est vrai, que l'arrêté litigieux emporte, subsidiairement, refus de régularisation de la situation administrative de M. B.... Mais le préfet a, en outre, estimé qu'au regard de l'examen de sa situation personnelle et familiale, et compte tenu de son entrée récente sur le territoire français, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale puisque son épouse, Mme E... épouse B...faisait l'objet d'une mesure préfectorale similaire et pourrait accompagner son époux et ses enfants mineurs dans son pays d'origine, l'Albanie, où M. B... a vécu l'essentiel de son existence, étant dépourvu d'attache familiale en France. Il a en outre, considéré qu'aucune considération exceptionnelle ou humanitaire ne justifiait une dérogation à la réglementation en vigueur eu égard aux conditions d'entrée, à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en retenant de tels motifs, le préfet aurait entaché son refus de régularisation d'une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale ou d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B....
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) ". Sa demande de titre de séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 314-11-8 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ayant été refusée par le préfet de la Saône-et-Loire après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile se furent prononcés, M. B... entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
6. M. B... se prévaut de l'état de santé de son épouse, tenue de se maintenir en France afin d'y être soignée. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le préfet a ainsi qu'il a été dit précédemment, pris la même décision à l'égard de son épouse quant à son droit au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de l'Albanie, sans se prononcer sur la demande de carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, présentée le 3 janvier 2018. Cette demande d'admission au séjour au regard de l'état de santé a fait par la suite l'objet d'une décision implicite de rejet qui ne relève pas du présent litige. Par suite, après avoir constaté que l'intéressé n'entrait pas dans l'une des catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement au sens des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Saône-et-Loire a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni porter une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux objectifs poursuivis par cette mesure, décider de l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des frais non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Saône et Loire.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 mai 2019.
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N° 18LY02133
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