Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2018, M. et Mme D...A...C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 mai 2018 ;
2°) à titre principal, de les décharger de cette imposition supplémentaire et des majorations y afférentes ;
3°) à titre subsidiaire, le report de l'intégralité de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 pour l'investissement 2010 et de prononcer la décharge des impositions restées à leur charge ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A...C...soutiennent que :
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle s'est abstenue non seulement de leur communiquer l'ensemble des documents obtenus de tiers, visés dans la proposition de rectification, et utilisés pour fonder le rehaussement litigieux mais aussi de les informer des autres investigations qu'elle a menées et dont elle a nécessairement tiré des informations exploitées dans le cadre de leur contrôle sur pièces ;
- en estimant que la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts ne pouvait être revendiquée qu'à partir du moment où l'investissement concerné pouvait faire l'objet d'une exploitation effective et, par suite, être productif de revenus, l'administration a méconnu tant ces dispositions que celles des articles 95 K et 95 Q de l'annexe II au même code ; cette interprétation, outre qu'elle conduit, en méconnaissance de la jurisprudence, à ajouter une condition non prévue par la loi, est également contraire à la doctrine administrative ; ils étaient donc en droit de bénéficier de la réduction d'impôt à raison des matériels photovoltaïques livrés aux sociétés dont ils étaient associés, lesquelles avaient régulièrement sollicité une demande de raccordement au réseau électrique ;
- en tout état de cause, un panneau photovoltaïque, qui peut avoir d'autres usages que celui de permettre la vente d'électricité à la société EDF, est en capacité de produire de l'énergie dès sa livraison, sans avoir besoin d'être raccordé au réseau ;
- à défaut d'admettre le bénéfice de la réduction d'impôt au titre de l'année de souscription des parts, il y a lieu de l'accorder au titre des années 2010 et 2011, au cours desquelles, postérieurement au moratoire, le raccordement au réseau a pu être à nouveau sollicité, étant relevé que les articles 36 et 98 de la loi du 29 décembre 2010 n'ont pas supprimé la réduction d'impôt pour les projets en cours ; au demeurant, aucune disposition de cette loi ne saurait permettre la remise en cause de cette réduction d'impôt sans violer le principe d'égalité devant la loi.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bourrachot, président,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...C...ont bénéficié au titre de l'année 2010 d'une réduction d'impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements réalisés outre-mer en qualité d'associés de sociétés de personnes, au cours de l'année 2010, consistant en l'acquisition et l'installation de panneaux photovoltaïques en vue de leur exploitation par des sociétés situées en outre-mer. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, constatant l'absence de réalisation de ces investissements au 31 décembre 2010, a remis en cause cette réduction d'impôt et a notifié à M. et Mme A...C...des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, assorties de pénalités. M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge de cette cotisation supplémentaire et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 par imputation de la réduction d'impôt remise en cause au titre de l'année 2010. M. et Mme A...C...relèvent appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
2. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
3. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 12 avril 2013 que, pour établir l'imposition litigieuse, l'administration s'est uniquement appuyée sur les renseignements obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès de la société EDF, faisant ressortir que les équipements photovoltaïques acquis par les sociétés dont les requérants étaient associés n'étaient pas raccordés au réseau électrique au 31 décembre de l'année de déduction et n'avaient d'ailleurs, à cette date, fait l'objet d'aucune attestation de conformité. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait utilisé les éléments recueillis au cours de la procédure de rectification des SNC ou d'autres éléments pour fonder les rectifications litigieuses. Si, en cours d'instance, l'administration fiscale s'est fondée sur le montant des amortissements pratiqués par les SNC pour les réduire, ce n'est que dans le cadre de l'examen des demandes des contribuables tendant au report du crédit d'impôt sur les années suivantes et non pour fonder une rectification. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en n'informant pas les requérants de l'ensemble des renseignements effectivement utilisés pour fonder le rappel en litige, l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
4. Le I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version alors applicable, prévoit que " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique. (...) Ces taux sont majorés de dix points pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement (...) ". L'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts prévoit que les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B sont " les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe II : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien (...) ".
5. Il résulte, d'une part, de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date.
6. Or, il est constant qu'à la date du 31 décembre 2010 les installations en litige n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait ainsi commencer. La circonstance que les installations photovoltaïques étaient, dès leur installation sur les toits des habitations, en capacité de produire de l'électricité dont les locataires auraient pu disposer dans le cadre de l'autoconsommation n'est pas de nature à démontrer que les installations étaient productives de revenus au sens des dispositions de l'article 199 undecies B, condition ne pouvant être remplie que par leur raccordement au réseau public d'électricité. Par suite, et dès lors qu'au 31 décembre de l'année en cause, les équipements litigieux n'étaient pas en capacité d'être productifs, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que les investissements déclarés par les requérants, qui ne sauraient se prévaloir ni de la seule livraison du matériel, ni de l'existence d'une demande de raccordement n'avaient pas été effectivement réalisés au 31 décembre de l'année 2010 et a remis en cause les réductions d'impôt correspondantes.
7. M. et Mme A... C...ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article PL. 80 A du livre des procédures fiscales, du bulletin officiel des impôts BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 n° 140 du 12 septembre 2012, postérieur aux années en litige mais reprenant la doctrine antérieure et les réponses ministérielles à M. E... et à M. F..., députés, respectivement publiées au Journal officiel (Assemblée nationale) des 3 mai 2005, p. 4599, n° 55415 et 11 avril 2006, p. 3949, n° 80776, dès lors qu'elles concernent les réductions d'impôt pour les opérations de mécénat et les dons en faveur d'oeuvres d'intérêt général ou d'organismes agréés, qui sont sans lien avec les investissements en cause.
8. Aux termes du dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction issue du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 : " Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8, à l'exclusion des sociétés en participation (...) ". Il résulte de ces dispositions, applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 en vertu du II du même article, que les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation n'ouvrent plus droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts. La circonstance que les requérants auraient, au cours de l'année 2011, déposé des demandes complètes de raccordement, est sans incidence sur le régime applicable. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à solliciter le bénéfice de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 à raison des investissements réalisés par les sociétés en participation dont ils étaient associés, ni recevables à invoquer, en l'absence d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct ainsi que l'exige l'article R. 771-3 du code de justice administrative, une violation du principe d'égalité devant l'impôt.
9. Les autres moyens analysés ci-dessus tirés du bénéfice de la doctrine administrative invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, M. et Mme A...C..., qui ne peuvent utilement invoquer devant le juge de l'impôt les agissements d'Electricité de France (EDF), du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL), des SEP et de la société Erivam Gestion, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A... C...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 18LY02886
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