Par une requête enregistrée le 8 janvier 2018, Mme B..., représentée par Me Vernet, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 13 octobre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- un départ vers la République tchèque aurait pour conséquence d'interrompre la prise en charge médicale dont elle fait l'objet et de l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; dès lors, le préfet a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et celles de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision portant assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a procédé à aucun examen de sa situation au regard de son état de santé ;
- en l'absence d'élément permettant d'établir le risque de fuite, la nécessité de l'assignation à résidence n'est pas justifiée.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les observations de Me Vernet, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 15 septembre 1955, de nationalité arménienne, est entrée en France le 8 juin 2017. Elle a présenté une demande d'asile, le 4 juillet 2017. Les autorités tchèques, regardées comme responsables de sa demande d'asile en application du 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait part de leur accord pour sa réadmission, le 24 août 2017. Par arrêté du 6 septembre 017, le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités tchèques. Par arrêté du 6 octobre 2017, le préfet du Rhône l'a assignée à résidence dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement à destination de la République tchèque. Mme B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité de la décision de remise aux autorités tchèques :
2. Aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre d'une leucémie myéloïde chronique pour laquelle elle bénéficie d'une prise en charge spécialisée. Toutefois, les pièces produites ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait effectuer le voyage jusqu'en République tchèque, ni qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans ce pays. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il n'est pas non plus établi que le transfert de la requérante présenterait un risque réel et avéré de détérioration significative et irrémédiable de son état de santé et constituerait ainsi un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
4. En premier lieu, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, dès lors, suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de remise aux autorités tchèques à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de Mme B... préalablement à l'édiction de l'acte contesté.
7. Enfin, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 / (...) ".
8. S'il est vrai que la décision en litige mentionne que l'intéressée présente des garanties propres à prévenir le risque de fuite, elle est motivée par l'imminence de sa remise aux autorités tchèques. Par suite, cette mesure d'assignation à résidence ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
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N° 18LY00108