Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2018, Mme A... E...C...représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 décembre 2017;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 8 novembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par mois vde retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été bénéficiaire d'un récépissé durant la période d'instruction de la demande.
- le délai de six mois prévu par la circulaire du 10 septembre 2010 a été méconnu ;
- les dispositions des articles L. 121-1 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;
- elle est à la charge de son père qui n'était pas au chômage au moment du dépôt de la demande, gagnant un salaire net d'environ 2 000 euros par mois ;
- le préfet s'est à tort fondé sur la situation financière, de son père, de l'année 2015 ou 2016 ;
- elle a communiqué des bulletins de salaires de son père de l'année 2013 et de l'année 2017 ;
- l'arrêté en litige a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert, relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé le 24 novembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... C..., de nationalité capverdienne, née le 28 novembre 1987, a sollicité, par courrier du 4 avril 2016, le changement de statut d'étranger malade en membre de famille de ressortissant de l'Union Européenne, conformément aux dispositions de l'article L.12 1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 8 novembre 2016 le préfet des Alpes-Maritimes a rejetée sa demande. Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme E... C...tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2016 précité. Mme E... C...relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce récépissé est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 311-10, de l'instruction de la demande. (...) " ;
3. Mme E... C...fait valoir, au soutien de sa demande d'annulation de la décision en litige, qu'elle n'a pas été bénéficiaire d'un récépissé durant la période d'instruction de la demande. Si l'intéressée aurait dû effectivement se voir remettre un récépissé en vertu des dispositions précitées, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision du 8 novembre 2016 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour.
4. En deuxième lieu, Mme E... C...ne peut pas non plus utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 10 septembre 2010, laquelle est dépourvue de caractère règlementaire. Par ailleurs et en tout état de cause, au-delà du délai indicatif de six mois inscrit dans la circulaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement de la demande de Mme E... C...ait été anormalement long.
5. En troisième lieu et d'une part, les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Les dispositions de l'article R. 121-1 du même code ajoutent que " Tout ressortissant mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1 muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français, à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Tout membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3, ressortissant d'un Etat tiers, est admis sur le territoire français à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il soit muni, à défaut de titre de séjour délivré par un Etat membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " en cours de validité, d'un passeport en cours de validité, d'un visa ou, s'il en est dispensé, d'un document établissant son lien familial. L'autorité consulaire lui délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de son lien familial. Toutes facilités lui sont accordées pour obtenir ce visa. ". Les dispositions de l'article R. 121-2-1 du même code précisent qu'" Après un examen de sa situation personnelle, l'autorité administrative peut appliquer les dispositions des articles R. 121-1 et R. 121-2 à tout ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas des 4° et 5° de l'article L. 121-1 : (...) 3° S'il atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec un ressortissant mentionné aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 121-1 ". Il résulte de ces dispositions que le ressortissant d'un état tiers qui a des liens familiaux avec un ressortissant de l'Union européenne a un droit au séjour sur le territoire de l'Union à condition que ce dernier réponde aux conditions des 1° et 2° de l'article L. 121-1 à savoir qu'il exerce une activité professionnelle en France et qu'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille de ressources suffisantes, ces deux conditions étant alternatives et non cumulatives.
6. D'autre part, il appartient au préfet de se placer à la date à laquelle il statue pour apprécier si l'étranger remplit les conditions pour obtenir le titre de séjour prévu par les articles L. 121-1 4°, R. 121-4 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va ainsi, plus particulièrement, de la condition tenant à l'exercice effectif d'une activité salariée par l'ascendant dès lors que l'article R. 121-4 susmentionné prévoit que la délivrance de la carte de séjour est notamment subordonnée à l'appréciation du caractère suffisant des ressources.
7. Il convient tout d'abord de relever que, contrairement à ce que soutient Mme E... C..., le préfet s'est fondé à juste titre pour prendre la décision en litige sur la situation financière de son père au titre de l'année 2015 et du début de l'année 2016, ayant statué sur la demande le 8 novembre 2016. Il ressort ensuite des pièces du dossier et notamment des bulletins de salaires joints, que si M. D... C..., père de la requérante, a été employé pour une mission de longue durée en qualité de maçon la dernière fois en 2013, celle effectuée entre le 11 janvier 2017 et la fin septembre de cette même année s'avérant postérieure à la décision en litige, il n'a perçu pour la période en cause comprise entre 2014 et la fin de l'année 2016 que des versements d'allocation chômage, dont le montant n'a pas été communiqué par Mme E... C... et qui ne peuvent être assimilées à une activité professionnelle. De plus il est constant que M. D... C...ne dispose pas d'autres ressources. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que, pour refuser, par l'arrêté du 8 novembre 2016, de l'admettre au séjour, le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu les dispositions précitées doit être écarté.
8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Mme E... C...soutient qu'elle réside en France depuis huit années et que toute sa famille étant venu s'établir sur le territoire national depuis plusieurs années, elle se retrouverait isolée dans son pays d'origine. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, ayant d'ailleurs seulement produit au soutien de ce moyen une carte individuelle d'admission à l'aide médicale de l'Etat, que Mme E... C...ait établi sa résidence habituelle en France, ni qu'elle se retrouverait isolée dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale normale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être par suite écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme E... C...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par suite les conclusions présentées par Mme E... C...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
2
N° 18MA00489