Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2014, sous le n° 14MA04096, M. A... C..., représenté par Me B...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 juillet 2014 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Carpentras la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la juridiction de première instance n'a pas pris en compte l'absence totale de motivation de l'arrêté municipal et l'absence de contradictoire ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ; cela l'empêche de se défendre et caractérise l'absence de contradictoire essentiel en matière de décision individuelle ;
- il est constitutif d'un détournement de pouvoir ; l'arrêté querellé repose sur un motif d'ordre personnel et étranger aux affaires de la commune ;
- le jugement du 24 juillet 2014 ne statue aucunement sur le détournement de pouvoir, ni l'illégalité de l'acte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2015, la commune de Carpentras conclut au rejet de la requête de M. C...et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont bien examiné le moyen tiré de l'absence de motivation et ont considéré qu'il était inopérant ; le jugement attaqué est parfaitement fondé et motivé ;
- la décision du maire de retirer une délégation à un adjoint n'a pas à être motivée ; elle n'est pas davantage soumise au respect du principe du contradictoire puisqu'elle ne constitue pas une sanction ;
- les premiers juges ayant examiné les moyens de la requête, ils ont inévitablement examiné la légalité de l'acte ;
- en examinant dans le considérant n° 4 si la décision en cause avait été inspirée par un motif étranger à la bonne marche de l'administration communale, les premiers juges ont recherché si l'arrêté était entaché d'un détournement de pouvoir ;
- la divergence constituée par la prise de position de M. C...en faveur d'un candidat aux élections législatives d'un parti opposé à celui soutenu par le maire est de nature à nuire à la bonne administration communale et peut fonder un retrait de délégation.
Un courrier du 27 mai 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 29 décembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune de Carpentras.
1. Considérant que M. C...relève appel du jugement en date du 24 juillet 2014 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 juin 2012 par lequel le maire de Carpentras lui a retiré la délégation de fonctions et de signature dont il était bénéficiaire en tant qu'adjoint au maire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. C...soutient que le tribunal n'a pas pris en compte l'absence totale de motivation et de contradictoire ; qu'il ajoute que le jugement ne statue aucunement sur le détournement de pouvoir, ni sur l'illégalité de l'acte ; que cependant, il ne ressort pas des écritures de première instance de M. C...que ce dernier aurait soulevé le moyen tiré de l'absence de contradictoire ; que concernant les autres moyens tenant à l'absence de motivation et au détournement de pouvoir, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges y ont répondu ; quant à la circonstance que le tribunal n'aurait pas statué sur l'illégalité de l'acte, le moyen est dépourvu de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
3. Considérant que la décision par laquelle le maire rapporte la délégation consentie à un adjoint n'a pas le caractère d'une sanction ; qu'elle abroge une décision de nature réglementaire ; qu'elle n'entre ainsi dans aucune des catégories de décisions qui, en vertu de la loi du 11 juillet 1979, doivent être motivées ; que, par voie de conséquence, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui impose à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de présenter des observations écrites, avant de prendre une décision devant être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, les moyens tirés, d'une part, du défaut de motivation de la décision attaquée, d'autre part, de la méconnaissance du principe du contradictoire et, enfin, de l'atteinte aux droits de la défense, doivent être écartés comme inopérants ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. (...) / Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions. " ; qu'il ressort de cette disposition que le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu'il a consenties, sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté querellé par lequel le maire de Carpentras a décidé de retirer à M.C..., premier adjoint, sa délégation de fonctions et de signature est motivée par la circonstance qu'à l'occasion du second tour des élections législatives, le 17 juin 2012, le requérant a pris position en faveur d'un candidat aux élections législatives d'un parti opposé à celui soutenu par le maire de Carpentras ; que ce dernier invoque également sans être démenti des échanges houleux intervenus entre les deux hommes le 11 juin 2012, à l'issue desquels M. C...a porté plainte contre le maire à raison d'une prétendue agression physique ; que cette dissension caractérise une rupture du lien de confiance dont le maire était fondé à considérer qu'elle ne pourrait rester sans conséquence sur le bon fonctionnement de l'administration communale ; que, par suite, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant été inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;
6. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, l'arrêté en litige n'est pas entaché de détournement de pouvoir ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 juin 2012 du maire de Carpentras ;
Sur les conclusions tendant à la mise à la charge des dépens :
8. Considérant que le présent litige n'a donné lieu à aucun dépens ; que les conclusions de la commune de Carpentras tendant à ce que M. C...soit condamné aux entiers frais et dépens de la présente instance, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Carpentras, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. C...quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Carpentras et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : M. C...versera à la commune de Carpentras une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la commune de Carpentras.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2016.
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N° 14MA04096