Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 septembre 2017, l'association pour la réadaptation sociale, représentée par la société d'avocats Abeille et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 juillet 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'association a respecté ses obligations contractuelles, de sorte qu'elle était en droit de bénéficier de la participation du fonds communautaire ;
- elle a transmis l'intégralité de ses bilans et de ses comptes à l'agence des services et de paiement pour l'action menée au cours de l'année 2011 ;
- la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a modifié unilatéralement le cahier des charges et les conditions d'exécution de la convention signée entre l'Etat et l'association, afin de ne pas verser les subventions attendues ;
- les autres co-financeurs du projet ont tous accepté de financer l'opération et ont validé le service fait ;
- la position de l'administration s'apparente au " fait du Prince ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
- le règlement européen n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 ;
- le règlement de la Commission n° 1828/2006 du 8 décembre 2006 établissant les modalités d'exécution du règlement (CE) n° 1083/2006 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2007-1303 du 3 septembre 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me B..., représentant l'association pour la réadaptation sociale.
Considérant ce qui suit :
1. L'association pour la réadaptation sociale qui a vocation, notamment, à accueillir des jeunes de 16 à 26 ans en échec scolaire et rencontrant de graves difficultés, a déposé auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur un dossier de demande de subvention au titre du programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi " pour la période de programmation 2007-2013 de la politique de cohésion économique et sociale de l'Union européenne. Cette aide, sollicitée au titre du fonds social européen (FSE), était destinée à cofinancer la réalisation d'un projet devant se dérouler du 1er janvier au 31 décembre 2011, intitulé " insertion sociale et professionnelle de jeunes marginalisés ". Sur avis favorable du comité régional de programmation du FSE, l'État et l'association ont conclu, le 28 novembre 2012, une convention par laquelle l'État s'engageait, en contrepartie de la réalisation de cette opération, à verser à l'association une subvention d'un montant maximal de 51 700 euros pour un coût total prévisionnel éligible de l'opération de 171 700 euros. Après le contrôle effectué au cours des années 2013 et 2014 par l'Agence des services et de paiement, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a, par lettre du 7 décembre 2014, notifié à l'association le rapport définitif de ce contrôle et ramené le montant de la subvention à une somme nulle, après avoir écarté certaines dépenses qu'il a estimé non-éligibles. L'association pour la réadaptation sociale relève appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 7 décembre 2014.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 60 du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 : " L'autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en oeuvre du programme opérationnel conformément au principe de bonne gestion financière, et en particulier : (...) b) de vérifier la fourniture des produits et services cofinancés et de contrôler que les dépenses déclarées par les bénéficiaires pour les opérations ont été effectivement encourues et qu'elles sont conformes aux règles communautaires et nationales; (...) ". Aux termes du 2 de l'article 13 du règlement de la Commission n° 1828/2006 du 8 décembre 2006 : " Les vérifications que doit effectuer l'autorité de gestion conformément à l'article 60, point b), du règlement (CE) n° 1083/2006 portent sur les aspects administratifs, financiers, techniques et physiques des opérations, selon le cas. / Les vérifications établissent la réalité des dépenses déclarées, la fourniture des produits ou services concernés conformément à la décision d'approbation (vérification de service fait), l'exactitude des demandes de remboursement présentées par le bénéficiaire et la conformité des opérations et des dépenses avec les règles communautaires et nationales. Elles comprennent des procédures destinées à éviter le double financement des dépenses par d'autres programmes communautaires ou nationaux et pour d'autres périodes de programmation. (...) " ;
3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013 tel que modifié par le décret n° 2011-92 du 21 janvier 2011 : " La contribution des fonds structurels au programme opérationnel s'applique aux dépenses totales éligibles et justifiées. / Le montant final de l'aide européenne dû au bénéficiaire après exécution de l'opération tient compte, dans le respect du taux maximum d'aides publiques fixé par les règlements communautaires et nationaux, des dépenses réelles dûment justifiées et de toutes les ressources effectivement perçues. (...) " . Aux termes de l'article 4 dudit décret : " Les dépenses sont justifiées sur base réelle par les bénéficiaires sauf exception prévue à l'article 5. Elles correspondent à des paiements justifiés par des factures acquittées ou par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers ou par des pièces comptables de valeur probante équivalente. (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1er de la convention n° 40417-2011 du 28 novembre 2012 conclue entre l'Etat et l'association pour la réadaptation sociale : " (...) Le bénéficiaire s'engage à réaliser l'opération intitulée : " Insertion sociale et professionnelle de jeunes marginalisés " (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même convention : " La période de réalisation de l'opération est comprise entre 02/01/2011 au 31/12/2011. Cette période correspond à la durée durant laquelle le bénéficiaire est habilité à réaliser l'opération et engager les dépenses afférentes (...) ". Selon son article 20-1 ne seront considérés comme éligibles que les coûts dont il aura été démontré qu'ils sont en relation avec l'objet de la convention, nécessaires à sa réalisation, générés pendant la période de réalisation de l'opération et qu'ils ont été effectivement encourus. L'article 21 stipule que " le service gestionnaire procède à un contrôle de service fait de l'ensemble des bilans d'exécution produits ", afin de vérifier la correcte exécution de l'opération et l'éligibilité des dépenses encourues. Il précise par ailleurs que ces vérifications se fonderont sur les pièces justificatives à la disposition du bénéficiaire, qu'il s'agisse ou non de pièces comptables. A cette fin, l'article 23 de la convention prévoit que " jusqu'au 31 décembre 2021 le bénéficiaire tient à la disposition de l'Etat l'ensemble des pièces justificatives probantes relatives aux dépenses déclarées et aux paiements effectués ", en particulier les documents originaux comptables ou toute autre pièce probante non comptable, propres à établir " la réalité, la régularité et l'éligibilité de l'opération réalisée ". Le même article ajoute que " le montant de l'aide F.S.E peut être corrigé à l'issue de l'examen de ces pièces " et que " l'Etat peut solliciter le reversement par le bénéficiaire des sommes indûment perçues ".
5. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la signature par l'Etat de la convention du 28 novembre 2012, qui a pour objet d'octroyer, en contrepartie d'engagements de l'association pour la réadaptation sociale à soutenir un public jeune ayant des difficultés particulières d'insertion, une subvention sur fonds communautaires en application des dispositions précitées, a créé des droits au profit de cette dernière. Toutefois, ces droits n'ont été créés que dans la mesure où l'association respectait les conditions mises à l'octroi de cette subvention, que ces conditions découlent des dispositions du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 ou des stipulations de la convention. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et en particulier de la lettre du 8 juillet 2014 par laquelle la DIRECCTE a communiqué à l'association les conclusions provisoires, très détaillées, du contrôle de l'opération, que les dépenses exposées par l'association ont été écartées au motif qu'elles n'étaient pas prévues par la convention, qu'elles n'étaient pas justifiées ou encore qu'elles n'avaient pas été précédées d'une mise en concurrence en méconnaissance des règles communautaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'association aurait contesté ces conclusions avant l'intervention de la décision en litige. Dans ces conditions, les dépenses ayant été engagées en méconnaissance des dispositions ou stipulations précitées n'ont pas pu créer de droits à son profit et l'Etat était légalement fondé, pour les motifs susmentionnés, à demander à l'association requérante de reverser les sommes qui lui avaient été octroyées. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait respecté ses obligations contractuelles.
7. En deuxième lieu, si l'association requérante soutient avoir transmis à l'administration l'ensemble des documents justificatifs des dépenses engagées, de sorte qu'elle était en droit de recevoir en contrepartie le paiement correspondant, comme il a été dit au point précédent, l'examen de ces pièces a révélé la non-conformité des opérations et des dépenses déclarées avec les règles communautaires et nationales. Par suite, l'association requérante qui au demeurant ne produit aucune justification de nature à établir que les dépenses non éligibles auraient été écartées à tort, ne peut utilement soutenir que la seule transmission des pièces justificatives à l'autorité de gestion était de nature à démontrer le service fait.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les demandes de l'administration, tendant à ce que des justificatifs probants des coûts éligibles lui soient fournis, n'étaient pas conformes aux stipulations de la convention et aux règles communautaires et nationales et que ces agissements auraient constitué un détournement de pouvoir.
9. En quatrième lieu, le fonds social européen est régi par des règles propres de vérification et d'attribution, indépendamment de celles gouvernant le versement des autres financeurs. Par suite, l'association requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que les autres financeurs publics participants au projet lui ont attribué leurs subventions au terme d'un contrôle du service fait, pour solliciter le versement intégral de la subvention communautaire.
10. En cinquième et dernier lieu, si l'association requérante a entendu soutenir que la décision en litige serait arbitraire, en tout état de cause, le moyen doit être écarté compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 8 précédents.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la réadaptation sociale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'association pour la réadaptation sociale au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association pour la réadaptation sociale est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la réadaptation sociale et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
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N° 17MA03874
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