Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2017, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision du 24 juin 2014 par laquelle le directeur de l'hôpital local départemental du Var au Luc l'a radiée des cadres pour abandon de poste ;
3°) de mettre à la charge de cet établissement de santé le versement à son profit de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la lettre adressée durant le congé de maladie ne saurait constituer une mise en demeure ;
- elle n'avait pas à reprendre ses fonctions à compter du 4 juin 2014, dès lors qu'elle devait être regardée comme régulièrement placée en congé de maladie à cette date.
Par un mémoire enregistré le 20 mars 2018, l'hôpital départemental du Var au Luc, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutel,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant Mme B... et de
Me D..., représentant l'hôpital local départemental du Var au Luc.
1. Considérant que Mme B... a été recrutée par l'hôpital local départemental du Var au Luc le 1er octobre 2008 en qualité d'agent des services hospitaliers ; que, par décision du 24 juin 2014, le directeur de l'établissement précité a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste ; que par jugement en date du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de l'intéressée en annulation de cette décision ; que Mme B... demande à la Cour d'annuler ce jugement et la décision la radiant des cadres ;
2. Considérant qu'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ;
3. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 15 du décret du 19 avril 1988 : " Les fonctionnaires bénéficiaires d'un congé de maladie doivent se soumettre au contrôle exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Cette dernière peut faire procéder à tout moment à la contre-visite de l'intéressé par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption de sa rémunération, à cette contre-visite. Le comité médical compétent peut être saisi par l'administration ou par l'intéressé des conclusions du médecin agréé. " ;
4. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article L. 4111-1 du code du travail : " Sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la présente partie sont applicables (...) Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. " ; qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 4626-11 de ce code : " Le médecin du travail est lié par un contrat de travail conclu avec l'établissement chargé de la gestion du service de santé au travail dans les conditions prévues par le code de déontologie médicale conformément à un modèle de contrat établi par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 4626-29 dudit code : " L'agent bénéficie d'un examen de reprise par le médecin du travail : (...) Après une absence de plus de trois mois. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié d'un congé de maladie pour un état dépressif jusqu'au 3 janvier 2014 ; que l'intéressée a été soumise à une contre-visite le 20 décembre 2013 qui a conclu à la reprise des fonctions de ce fonctionnaire à compter du 1er décembre 2013 ; qu'ayant été mise en demeure de reprendre ses fonctions par courrier du 9 janvier 2014 du directeur de l'hôpital local départemental du Var au Luc, Mme B... a alors adressé à son employeur un pli comportant un certificat de son médecin traitant en date du 13 janvier 2014 par lequel ce praticien estimait que la pathologie de sa patiente, diagnostiquée dès le 31 octobre 2013, persistait et faisait obstacle à la reprise de ses fonctions, s'opposant ainsi aux conclusions de la contre-visite ; qu'un certificat médical d'un médecin psychiatre établi le lendemain confirmait ce diagnostic ; que toutefois, par courrier en date du 22 janvier 2014, le directeur de l'hôpital, estimant que ces certificats n'étaient pas de nature à remettre en cause les conclusions du médecin agréé, a mis en demeure l'intéressée de reprendre ses fonctions, sous peine d'être radiée des cadres pour abandon de poste ; que, lors de la visite d'aptitude pour la reprise des fonctions, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude temporaire de Mme B... ; qu'à compter de cette date, l'intéressée n'a pas réintégré les services, produisant plusieurs arrêts de travail se fondant sur la même pathologie ; que, convoquée à une nouvelle contre-visite pour le 9 avril 2014 à laquelle elle n'a pas déféré, l'intéressée s'est toutefois présentée auprès du médecin agréé le 6 mai 2014 qui a conclu à son aptitude à la reprise des fonctions dès le 3 juin 2014 ; que, par courrier du 27 mai 2014, l'administration a demandé à Mme B... de se présenter dans les services le 4 juin 2014 ; que l'intéressée a alors présenté un nouvel arrêt de travail daté du même jour ;
6. Considérant que si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ce nouvel arrêt de travail pour une période de trente jours ne faisait pas état d'éléments nouveaux quant à la pathologie de l'intéressée, il ressort toutefois des pièces du dossier que le médecin du travail qui concluait le 21 janvier 2014 à l'inaptitude temporaire de Mme B..., préconisait, compte tenu de la situation conflictuelle et complexe, que l'intéressée soit soumise à une expertise réalisée par un médecin expert, non averti du contexte professionnel dénoncé par la requérante ;
7. Considérant que la contre-visite du 6 mai 2014 qui a conclu à la reprise anticipée des fonctions à compter du 3 juin 2014, a été réalisée par le même médecin agréé que celui qui avait pratiqué la contre-visite du 20 décembre 2013 ; que, dans ces conditions, alors que l'administration n'a pas contesté les conclusions du médecin du travail dans les conditions alors applicables prévues par les dispositions citées de l'article L. 4624-1du code du travail, les arrêts de travail présentés par l'intéressée, postérieurement à la contre-visite du 6 mai 2014, notamment celui du 4 juin 2014 pour une période de trente jours, constituaient des justifications valables de son absence ; qu'il s'ensuit, alors même que Mme B..., qui en avait été informée, n'a pas saisi le comité médical en application de l'article 15 du décret du 19 avril 1988 pour contester les résultats de la contre-visite du 20 décembre 2013, que le directeur de l'hôpital local départemental du Var au Luc ne pouvait, par courrier du 12 juin 2014, mettre en demeure Mme B... de reprendre ses fonctions ; qu'il suit de là, que, par la décision du 24 juin 2014 en litige, le directeur de cet établissement de santé n'a pu légalement estimer que Mme B... avait rompu de son fait le lien avec le service et la radier des cadres ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en annulation de la décision du 24 juin 2014 la radiant des cadres ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'hôpital local départemental du Var le versement à Mme B... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1403053 du 2 mars 2017 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La décision du 24 juin 2014 par laquelle le directeur de l'hôpital local départemental du Var au Luc a radié Mme B... des cadres pour abandon de poste est annulée.
Article 3 : L'hôpital local départemental du Var au Luc versera à Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'hôpital local départemental du Var au Luc présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'hôpital local départemental du Var au Luc.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
N° 17MA01828 2