Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, Mme A... B..., représentée par Me Lévi-Cyferman, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 avril 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour assorti d'une autorisation de travail et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- le jugement contesté est rédigé de manière stéréotypée ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 1er février 1986, est entrée en France le 27 octobre 2011 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 11 octobre 2011 au 11 octobre 2012 en qualité de conjointe de Français. Par un jugement du tribunal de grande instance de Sarreguemines du 17 septembre 2015, son mariage a été annulé. Le 15 avril 2013, Mme B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 23 mai 2013, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande. Par un courrier du 28 octobre 2016, Mme B... a sollicité une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 27 novembre 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 avril 2020 qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont répondu à l'ensemble des moyens soulevés et ont ainsi suffisamment motivé leur jugement qui n'est pas stéréotypé.
Sur la légalité du refus du titre de séjour :
3. En premier lieu, dans sa décision de refus de titre de séjour, le préfet de la Moselle, après avoir visé notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, évoque les conditions d'entrée de la requérante en France, son mariage annulé avec un ressortissant français et sa situation familiale depuis son mariage le 18 décembre 2017 avec M. B.... Ainsi, cet arrêté, qui ne comporte pas une motivation stéréotypée et qui démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation eu égard aux éléments qui avaient été portés à sa connaissance, comporte une motivation suffisante en droit et en fait mettant à même la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). ".
5. Mme B... fait valoir qu'elle vit en France depuis sept ans et qu'elle y a transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux, particulièrement depuis son mariage avec M. B... en 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France le 27 octobre 2011 sous couvert d'un visa de long séjour délivré à la suite de son mariage le 25 février 2011 avec un ressortissant français. Il est constant que ce mariage a été annulé par le tribunal de grande instance de Sarreguemines au motif qu'il avait été contracté à seule fin d'obtenir un titre de séjour. Par ailleurs, si la requérante justifie qu'elle a épousé le 18 novembre 2017, soit dix mois avant la date de la décision contestée, M. B... ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2023, qu'ils ont eu deux enfants, nés le 16 juin 2016 et le 15 janvier 2019, soit pour ce dernier, postérieurement à la décision attaquée, et qu'elle est enceinte d'un troisième enfant, elle n'établit pas que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine, ni que son mari ne pourrait pas formuler une demande de regroupement familial à son bénéfice. En outre, elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident encore son père et ses sœurs. Enfin, Mme B... ne justifie d'aucune insertion professionnelle ou d'une intégration dans la société française. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
7. Mme B... fait valoir qu'elle a deux enfants avec son mari, dont le dernier est né postérieurement à la décision attaquée et qu'à la date d'introduction de son recours, elle était enceinte de son troisième enfant, que son mari est titulaire d'un certificat de résidence et que leur couple ne pourrait pas être séparé le temps de la délivrance d'un visa. Toutefois, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par suite, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions en prenant la décision attaquée.
8. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent jugement que le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
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N°20NC03241