Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2017, la société Orange, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 14 mars 2017 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser la somme de 2 000 euros à M. C... B...en réparation du préjudice résultant de la dégradation de ses conditions de travail depuis mars 2015, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...B...devant le tribunal administratif tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la dégradation de ses conditions de travail depuis mars 2015 ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en lui laissant un délai insuffisant pour répondre au mémoire en réplique de M. B...;
- les conclusions présentées par ce dernier en vue de l'indemnisation du préjudice résultant de la dégradation de ses conditions de travail depuis mars 2015 étaient irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- la diminution des responsabilités confiées à M. B...depuis mars 2015 est justifiée par l'intérêt du service et les préconisations du médecin du travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2017, M. C... B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de la dégradation de ses conditions de travail depuis mars 2015 et de renvoyer, dans cette mesure, l'affaire devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement attaqué et, après avoir évoqué l'affaire, de condamner la société Orange à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du dommage lié à la dégradation de ses conditions de travail depuis mars 2015, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2017 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire, justifiant l'annulation partielle du jugement attaqué et le renvoi, dans cette mesure, de l'affaire devant le tribunal ;
- dans l'hypothèse où la cour déciderait d'évoquer l'affaire, son recours indemnitaire s'en trouverait régularisé dès lors qu'une décision implicite de rejet est intervenue en cours d'instance ;
- il justifie de la dégradation de ses conditions de travail à compter de mars 2015 dès lors que ses responsabilités ont diminué, que des tâches ne figurant pas dans sa fiche de poste lui ont été confiées, que ces nouvelles missions sont contre-indiquées par son état de santé, que le nombre de courriels reçus a diminué et qu'il ne figure plus dans les plannings du service.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour la société Orange et de Me A...pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ouvrier d'Etat depuis le 2 mai 1975 au sein du service des postes et télécommunications, a été titularisé le 1er janvier 1985 dans le grade de technicien des installations de télécommunications de France Télécom puis nommé le 1er janvier 1990 en qualité de technicien supérieur. Affecté sur un poste de " technicien intervention client multiservice " de mars 2009 à juillet 2014, il a présenté le 22 août 2014 une demande à la société Orange, qui a succédé à France Télécom, en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice moral résultant selon lui de cette affectation. En l'absence de réponse, M. B...a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 3 mars 2015 afin d'obtenir la condamnation de son employeur à réparer son préjudice évalué à 30 000 euros. Par un mémoire en réplique présenté le 16 janvier 2017, l'intéressé, qui occupe le poste de " soutien opérationnel " depuis le mois de juillet 2014, a en outre sollicité la condamnation de la société Orange à lui verser la somme complémentaire de 15 000 euros en réparation du préjudice moral résultant selon lui de la dégradation de ses conditions de travail depuis le mois de mars 2015. Par un jugement du 14 mars 2017, le tribunal administratif a condamné la société Orange à réparer les deux chefs de préjudices invoqués par M. B...en lui allouant la somme de 2 000 euros pour chacun d'entre eux. La société Orange relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il la condamne à verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant de la dégradation des conditions de travail depuis mars 2015. Par un appel incident, M. B...demande, à titre principal, l'annulation partielle du jugement et le renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, la réévaluation de la condamnation mise à la charge de son employeur à la somme de 15 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". En application de l'article R. 611-10 de ce code, il appartient au rapporteur, sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et eu égard aux circonstances de l'affaire, de fixer le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Enfin, aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque les circonstances de l'affaire le justifient le président de la formation de jugement peut, dès l'enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l'article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l'instruction sera close. Lors de la notification de cette ordonnance aux parties, celles-ci sont informées de la date prévue pour l'audience. Cette information ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2 ".
3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 13 décembre 2016, le greffe du tribunal administratif a informé les parties que l'affaire était en état d'être jugée au plus tard au mois de mars 2017, en les invitant à produire tout nouveau mémoire éventuel avant le 18 janvier 2017, et que l'instruction était susceptible de faire l'objet d'une clôture immédiate au-delà de cette date en application de l'article R. 611-11-1 précité du code de justice administrative. M. B...a présenté un mémoire le 16 janvier 2017 complétant ses conclusions initiales par une demande indemnitaire de 15 000 euros à raison de la dégradation de ses conditions de travail depuis le mois de mars 2015. Le greffe de la juridiction a communiqué ce mémoire à la société Orange le 23 janvier 2017, en lui laissant un délai de quinze jours pour y répondre. Par une ordonnance du 31 janvier 2017, le président de la formation de jugement a prononcé la clôture immédiate de l'instruction à cette dernière date, sans avoir préalablement informé la société Orange de ce que le délai imparti pour répondre au mémoire de M. B...serait raccourci. Dans ces conditions, alors que ce mémoire comportait des éléments nouveaux sur lesquels le tribunal administratif s'est fondé pour la condamner à verser la somme de 2 000 euros à M.B..., la société Orange est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation en tant qu'il met la somme précitée à sa charge.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne tendant à l'indemnisation du préjudice résultant selon lui de la dégradation de ses conditions de travail depuis le mois de mars 2015.
Sur la recevabilité de la demande présentée par M. B...:
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". En application de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative sont applicables aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017.
6. Ainsi qu'il a été dit plus haut, ce n'est que par un mémoire complémentaire présenté le 16 janvier 2017 que M. B...a sollicité pour la première fois la condamnation de la société Orange à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant de la dégradation de ses conditions de travail à compter du mois de mars 2015. Cette demande indemnitaire nouvelle ne repose pas sur le même fait générateur que ses conclusions initiales qui visaient à obtenir la réparation du préjudice résultant de son affectation de mars 2009 à juillet 2014 sur un poste ne correspondant pas à son grade. Cette demande a été présentée après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, telles que modifiés par l'article 10 du décret du 2 novembre 2016. Si M. B... a présenté une demande préalable le 16 janvier 2017 à la société Orange, que celle-ci indique avoir reçue le 17 janvier suivant, il est constant qu'aucune décision n'avait été prise par cette société avant que l'intéressé ne saisisse la juridiction de sa demande indemnitaire le 16 janvier 2017. Par suite, la société Orange est fondée à soutenir que cette demande est irrecevable et doit, pour ce motif, être rejetée.
Sur les frais non compris dans les dépens exposés par M. B...devant le tribunal administratif :
7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a mis à la charge de la société Orange une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Si la société Orange obtient en appel l'annulation de ce jugement en tant qu'il la condamne à verser la somme de 2 000 euros à M. B...en réparation de la dégradation de ses conditions de travail depuis mars 2015, il résulte de l'instruction que les premiers juges ont également alloué une somme de même montant à M. B...au motif qu'il avait été affecté dans un emploi d'un niveau inférieur à celui de son grade de 2009 à 2014. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les frais exposés en première instance par M. B...devraient être réduits. Par suite, les conclusions de la société Orange tendant à la réduction de la somme allouée par les premiers juges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme dont la société Orange demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1500430 du 14 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la dégradation de ses conditions de travail depuis le mois de mars 2015, ainsi que son appel incident et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à M. C... B....
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N° 17NC01112