Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2017, Mme C...D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 juin 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 19 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de se déclarer compétent et d'examiner sa demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de suspendre son transfert vers l'Allemagne ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que sa requête était tardive et, par suite, irrecevable ; le délai de 48 heures qui lui a été opposé ne lui avait pas été indiqué ;
- la décision litigieuse a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- elle n'a pas été informée du droit d'avertir son consulat et un conseil de son choix et n'a pas été informée de la possibilité de formuler des observations, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'a pas bénéficié de l'information prévue notamment aux articles 4 et 5 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ; elle n'a pas davantage bénéficié de l'information prévue à l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations avant l'édiction de l'arrêté litigieux ;
- en procédant à l'exécution d'office du transfert, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
- il n'est pas établi que ses empreintes ont effectivement été relevées en Allemagne ; elle ne pouvait ainsi pas faire l'objet d'une décision de remise aux autorités allemandes ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
- la décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de 6 mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, rendant la France responsable de la demande de protection internationale de Mme D...(A..., 24 septembre 2018, n° 420708).
Mme C...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante arménienne née en 1987, est entrée irrégulièrement en France le 24 décembre 2016. Elle a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 17 mars 2017. Lors de l'examen de cette demande, la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier européen EURODAC a révélé que celles-ci avaient déjà été relevées en Allemagne. Une demande de reprise en charge par les autorités allemandes a été présentée et acceptée le 22 mars 2017. Par un arrêté du 19 mai 2017, le préfet de la Marne a décidé le transfert de Mme D...vers l'Allemagne en vue de l'examen de sa demande d'asile. Mme D... relève appel du jugement du 8 juin 2017, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 19 mai 2017 par lequel le préfet de la Marne a ordonné le transfert de Mme D...vers l'Allemagne est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour sa reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu par l'introduction, par MmeD..., d'un recours contre cet arrêté, présenté sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 juin 2017 qui, statuant au principal sur le recours, l'a rejeté. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, au motif d'un emprisonnement de l'intéressée ou au motif que celle-ci aurait pris la fuite. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision de transfert en litige aurait été exécutée au cours de ce délai de six mois, qui expirait le 8 décembre 2017, date à laquelle, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de MmeD.... Il s'ensuit qu'au 8 décembre 2017, la décision de transfert en litige est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête de Mme D...tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2017 rejetant sa demande dirigée contre l'arrêté du 19 mai 2017 décidant son transfert vers l'Allemagne, ainsi qu'à l'annulation de cet arrêté et ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D...présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme D...tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2017 ainsi qu'à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2017 et sur ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 17NC02395