Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juin et 21 novembre 2016, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501525 du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 29 juillet 2015 de la préfète de la Haute-Saône ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône d'ordonner le regroupement familial sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision a été prise en violation des articles L. 411-1 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète oppose des motifs non prévus par la loi pour rejeter la demande de regroupement et que son comportement ne contrevient pas aux lois et principes régissant la vie familiale en France ;
- la décision est entachée d'un détournement de procédure dès lors que la demande de regroupement familial ne permettait pas à la préfète de faire état de renseignements policiers obtenus irrégulièrement dans le cadre d'une enquête préliminaire pour la rejeter ; en outre, l'avis du maire de la commune de résidence n'a pas été recueilli préalablement ;
- la décision a été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2016, la préfète de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
La préfète soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., né en 1975, de nationalité marocaine, est titulaire d'une carte de résident ; qu'il a sollicité le 18 février 2015, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de leurs deux enfants mineurs ; que, par une décision du 29 juillet 2015, la préfète de la Haute-Saône a rejeté cette demande ; que M. C...relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. " ;
3. Considérant que pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. C..., la préfète de la Haute-Saône s'est fondée, d'une part, sur l'absence d'occupation effective du logement et, d'autre part, sur la circonstance que " l'intéressé est défavorablement connu des service de police et de gendarmerie comme auteur de plusieurs infractions, notamment des faits de violences, d'outrages et de menace de mort " et que dès lors il " n'a, à l'évidence, pas une attitude correspondant à celle qu'on peut attendre d'une personne se conformant aux principes essentiels reconnus par les lois de la République et régissant la vie familiale en France, pays d'accueil, tel que l'article L. 411-5-3° du CESEDA en dispose " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pris pour l'application du 2° de l'article L. 411-5 du même code, le caractère normal du logement est apprécié au regard de sa superficie et de ses conditions de salubrité et d'équipement ; que, par suite, en refusant la demande de regroupement familial au motif de l'absence d'occupation effective du logement, la préfète de la Haute-Saône a commis une erreur de droit ;
5. Considérant, en second lieu, qu'ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue le 20 juillet 2006, il ressort des travaux parlementaires qu'en prévoyant que le regroupement familial pourra être refusé au demandeur qui ne se conforme pas aux "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République", le législateur a entendu se référer aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ;
6. Considérant que si la préfète a produit la liste des infractions commises par M. C...entre 1991 et 2014, elle ne démontre pas que la multiplicité de ces infractions ou l'un quelconque des faits reprochés traduiraient un comportement de l'intéressé incompatible avec les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France ; que, par suite, c'est également par un motif erroné en droit que la préfète de la Haute-Saône a opposé les dispositions du 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M.C... ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'eu égard aux motifs d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenus et alors, d'une part, que la préfète de la Haute-Saône a admis que M. C...disposait de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille et, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité accorde le bénéfice du regroupement familial à l'épouse de M. C... et à leurs deux enfants mineurs dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501525 du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté en date du 29 juillet 2015 par lequel la préfète de la Haute-Saône a refusé d'accorder à M. C... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de leurs deux enfants mineurs sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Haute-Saône d'accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité par M. C... au profit de son épouse et de leurs deux enfants mineurs dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Haute-Saône.
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N° 16NC01235