Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 mars 2015, 24 décembre 2015 et 6 janvier 2016, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 17 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeB..., d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision relative au séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; le 7 du 6 de l'accord franco-algérien a été méconnu par le préfet, qui, à la date à laquelle il s'est prononcé, ne connaissait pas la pathologie en cause, dont la gravité est établie ; le préfet était tenu de suivre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en l'absence de fraude ou de menace à l'ordre public ; il souffre d'une pathologie psychiatrique et nécessite des médicaments, tels que le " Tercian ", qui ne sont pas disponibles en Algérie ; des médicaments psychotropes à base de cyamémazine, tels que le " Tercian " ne peuvent être parfaitement remplacés par des médicaments à base de chlorpromazine ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision relative au séjour ; elle procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît le 7 du 6 de l'accord franco-algérien ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des autres décisions en litige.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 5 juin et 29 décembre 2015, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jouno.
1. Considérant que M.C..., ressortissant algérien né en 1984, relève appel du jugement en date du 13 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devrait être éloigné ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " (...) Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que M. C...a demandé, le 16 octobre 2013, sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la délivrance d'un certificat de résidence d'un an ; que, par un avis rendu le 15 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas en Algérie de traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée d'un an ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au double motif qu'il n'était pas établi que le défaut de prise en charge de la pathologie de M. C... eût des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé pouvait disposer d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie ;
6. Mais considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre de troubles psychiatriques ; qu'aucune pièce du dossier ne permet de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé quant à la gravité des conséquences d'un arrêt de la prise en charge médicale de ces troubles ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier d'appel que les troubles de M. C... imposent que lui soient administrés quotidiennement des neuroleptiques, et notamment des médicaments, tels que le " Tercian ", dont le principe actif est la cyamémazine ; qu'aucun élément du dossier ne permet de déterminer si des médicaments comprenant ce principe actif sont disponibles en Algérie ; qu'en outre, si le préfet soutient que les médicaments dont le principe actif est la chlorpromazine ont, d'une part, des effets équivalents à ceux contenant de la cyamémazine et sont, d'autre part, disponibles en Algérie, il ne produit aucun élément de nature à attester d'une parfaite substituabilité entre les médicaments composés de cyamémazine et de chlorpromazine, alors que le requérant fait valoir, par une argumentation étayée présentée pour la première fois en appel, que ces deux catégories de médicaments ne sont pas pleinement interchangeables ; qu'enfin, la " fiche pays " relative à l'Algérie, établie le 25 octobre 2006 par les services de l'Etat, dont aucun élément du dossier ne permet de supposer qu'elle ne reflète pas l'état du système de santé algérien à la date de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique, fait, au demeurant, état d'une " possible rupture de stock susceptible de durer " en ce qui concerne, notamment, les neuroleptiques ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser à M. C... le certificat de résidence demandé par lui sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; que, par voie de conséquence, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet ainsi que de la décision fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet de la Loire-Atlantique délivre à M. C..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à ce conseil de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 13 novembre 2014 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 17 juillet 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. C...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
T. Jouno Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00759