Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2019 et 10 janvier 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement, en méconnaissance de l'article 1355 du code civil, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur l'existence d'une manoeuvre frauduleuse et d'une erreur de droit sur l'absence du caractère authentique de l'extrait des registres de l'état-civil qu'il a présenté à l'administration ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement, en méconnaissance de l'article 1355 du code civil.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 décembre 2019 et 20 janvier 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me D..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 1er novembre 1999, entré irrégulièrement en France le 30 avril 2015 selon ses déclarations et placé le 25 septembre 2015 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de la Loire-Atlantique en qualité de mineur isolé, a demandé au préfet de ce département un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 30 janvier 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".
3. La demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée au seul motif que l'intéressé a produit à l'appui de sa demande plusieurs actes de naissance dont un en exécution d'un jugement supplétif, que le préfet de la Loire-Atlantique a estimés apocryphes de sorte que ni son identité ni sa minorité lors de son entrée en France ne sont établies.
4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Par un jugement du 2 octobre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Nantes a annulé une décision du 18 juin 2018 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté une demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A... au motif que le préfet n'a pas justifié avoir demandé à l'autorité consulaire française en Côte d'Ivoire de procéder à une levée d'acte auprès de la commune d'Abobo afin de confirmer ou d'infirmer les doutes quant à l'authenticité des actes de naissance produits par l'intéressé dans le but de connaître avec exactitude son âge lors de son entrée en France. En exécution d'une injonction qui lui a été faite par ce jugement, le préfet a procédé à un nouvel examen de la situation de M. A.... A cette fin et eu égard au motif d'annulation, le préfet a pris attache auprès du consulat général de France à Abidjan le 3 octobre 2018. Par message du même jour, ce dernier, en l'absence de toute réponse des autorités ivoiriennes alors qu'elles avaient été saisies à plusieurs reprises, a indiqué au préfet que la transcription le 29 juillet 2011 de l'acte de naissance en exécution d'un jugement supplétif du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau du 9 août 2010 n'est pas conforme à l'article 84 du code civil ivoirien qui exige une transcription dans l'année en cours, soit durant l'année 2010. Compte tenu du doute confirmé, qui résulte de ces conditions irrégulières de transcription et de l'absence de toute autre pièce versée au dossier ayant une force suffisamment probante, le préfet a pu, sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 octobre 2018 dès lors qu'il y a eu réexamen de la situation de M. A... en exécution de l'injonction, exactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que sa minorité lors de son entrée en France et son identité n'étaient pas établies. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Lorsqu'il demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision. En principe, il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait demandé un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il aurait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la décision l'obligeant à quitter le territoire français. L'intéressé n'allègue pas qu'il aurait tenté en vain de porter à la connaissance de l'administration des éléments pertinents relatifs à sa situation, avant que ne soit prise la mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que M. A... a été privé du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
10. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée voie de conséquence.
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 octobre 2018 ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...
Le président,
F. Bataille Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03357