Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2015, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 7 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un certificat de résidence d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder, dans un délai de deux mois, à un nouvel examen de sa situation et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeC..., d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les études qu'elle suivait présentaient un caractère réel et sérieux ; le 5° et le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant sur le séjour ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des deux autres décisions en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2015, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jouno.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne, née en 1979, entrée en France en 2008 afin d'y mener des études, a été mise en possession d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant le 14 octobre 2008 qui lui a été renouvelé cinq fois ; que, par décision du 7 janvier 2015, le préfet de la Sarthe a refusé le renouvellement du certificat de résidence de MmeA..., obligé celle-ci à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixé l'Algérie comme pays de destination ; que Mme A...relève appel du jugement en date du 17 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que, selon le titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire" " ; que ces stipulations permettent à l'administration d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., titulaire d'un diplôme d'ingénieur d'Etat algérien et spécialisée en " industries pharmaceutiques ", a obtenu en 2010 de l'université du Maine une licence de sciences de la vie et de la Terre ; qu'elle a poursuivi dans cet établissement sa formation universitaire française en suivant un master I " Ecologie-environnement " ; qu'après avoir bénéficié d'un aménagement de scolarité pour tenir compte de son état de grossesse, elle a obtenu ce master I en 2012 sans avoir subi de redoublement ; qu'au cours de cette même année, elle a effectué un stage non obligatoire dans un laboratoire de l'université ; qu'elle a ensuite été sélectionnée pour suivre un master II " Toxicologie de l'environnement " ; qu'elle a de nouveau bénéficié d'un aménagement de scolarité l'autorisant à mener son cursus non pas en un an mais en deux ans ; qu'ayant effectué un stage professionnel de six mois, elle a validé par anticipation, à l'issue de l'année universitaire 2012/2013, le second semestre de ce master II ; que, si elle n'a pas validé le premier semestre du master II au cours de l'année universitaire 2013/2014, elle était inscrite au titre de l'année universitaire 2014/2015 dans ce master II ; que le sérieux des études de Mme A...est justifié, d'une part, par les notes obtenues par elle en licence et master I et, d'autre part, par des courriers circonstanciés du maître de conférences responsable du master II ainsi que d'autres enseignants de l'université ; que, dans ces circonstances, les études de Mme A...doivent être regardées comme ayant conservé un caractère sérieux à la date du 7 janvier 2015 à laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de lui renouveler son certificat de résidence en qualité d'étudiante ; que le préfet a ainsi commis une erreur d'appréciation en refusant de lui renouveler ce titre de séjour au motif que ses études ne présentaient pas un caractère sérieux ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des moyens de la requête, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision refusant de renouveler le certificat de résidence qui lui avait été accordé en qualité d'étudiante ; que, par voie de conséquence, elle est également fondée à soutenir que c'est à tort que le même tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de la Sarthe réexamine la situation de Mme A...dans un délai de deux mois et la munisse, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à ce conseil de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 17 juillet 2015 et l'arrêté du préfet de la Sarthe en date du 7 janvier 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, et de la munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02607