2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour mention ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2018 portant obligation de quitter le territoire français étaient recevables dès lors que sa notification ayant été faite par voie postale, le délai de recours de 48 heures prévu par le II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative ne lui était pas opposable ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est irrégulière dès lors qu'elle a été notifiée par voie postale ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant kosovar né le 2 octobre 1978 à Pleshine (Kosovo), déclare être entré en France le 25 mars 2013. Sa demande de statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 avril 2014, décision confirmée le 24 novembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales le 6 janvier 2014. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 5 juin 2014, confirmé par la présente Cour le 9 mars 2017. Il a également fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 16 mai 2016 qu'il n'a pas exécuté. Il a par la suite sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Il relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / (...) ".
3. Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. ".
4. Il ressort de la combinaison de ces dispositions que seule une notification par voie administrative d'une obligation de quitter le territoire français sans délai fait courir à l'égard de l'intéressé le délai de recours contentieux de quarante-huit heures pour contester cette décision, ainsi que celles portant refus de titre de séjour, fixant le pays de renvoi et interdisant le retour sur le territoire français notifiées simultanément.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
6. Enfin, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve d'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. Il est constant que l'arrêté contesté du 7 juin 2018 a été notifié à M. D..., accompagné de la mention des voies et délais de recours, par voie postale, le 9 juin 2018, et non par voie administrative, comme le prévoient les dispositions rappelées ci-dessus. Ainsi, le délai de quarante-huit heures pour contester cet arrêté ne lui était pas opposable. Par ailleurs, la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 20 juin 2018, soit dans un délai raisonnable. Dès lors, en jugeant cette demande irrecevable pour tardiveté, le tribunal administratif de Nantes a entaché son arrêté d'irrégularité. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
10. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
11. La circonstance que M. D... soit présent sur le territoire français depuis mars 2013 selon ses dires ne saurait, à elle seule, être regardée comme des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. D... est célibataire et sans charge de famille en France. S'il soutient qu'il vit maritalement avec une ressortissante française depuis le 11 septembre 2016 et que leur relation date de 2014, il n'apporte aucun élément suffisamment probant à l'appui de ses dires alors au demeurant qu'il a déclaré en décembre 2017 vivre chez un compatriote. Il ne justifie ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses trois enfants mineurs à la date de la décision contestée. Dès lors, les éléments de la vie personnelle du requérant ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, M. D... se prévaut d'un contrat de travail à durée déterminée de six mois signé le 19 avril 2018 en qualité de monteur téléphonique au sein d'une entreprise. Toutefois, il ne démontre pas que cet emploi serait caractérisé par des difficultés de recrutement et présente en lui-même des caractéristiques particulières susceptibles de constituer un " motif exceptionnel ". En effet, il n'est ni établi ni même allégué que l'employeur aurait recherché en vain une personne susceptible d'occuper cet emploi. En outre, M. D... ne justifie pas d'une expérience ou d'une ancienneté pouvant constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour. Ainsi, l'intéressé ne justifie pas non plus de l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions de cet article. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En second lieu, M. D... ne peut se prévaloir utilement de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière laquelle est dépourvue de caractère réglementaire.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, le préfet de la Sarthe a, par un arrêté du 11 décembre 2017 régulièrement publié, donné délégation de signature à M. Thierry Baron, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe, à l'effet notamment de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires et avis, relevant des attributions de l'État dans le département de la Sarthe ", à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour des étrangers, portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination ou portant interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français manque en fait.
14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les mesures relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers n'emportant ni de contestation sur des droits ou des obligations de caractère civil ni d'accusation en matière pénale.
16. En dernier lieu, M. D... ne peut utilement se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que celle-ci n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel le requérant devra être reconduit d'office.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois :
17. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de l'incompétence de son auteur manque en fait et doit être écarté.
18. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 du présent arrêt, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
19. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 7 du présent arrêt, la circonstance que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ait été notifiée par voie postale est sans influence sur sa légalité.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de douze mois. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. D... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 29 août 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT03883