Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 mai 2015 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention salarié ou vie privée et familiale, à défaut de réexaminer sa situation aux fins de délivrance d'un titre, dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros, qui devra être versée à son conseil, MeC..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet de la Mayenne n'a pas pris en compte l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi avant son édiction ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier du dossier ;
- le préfet n'a pas examiné la demande de titre de séjour salarié au regard des seules dispositions de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 de sorte que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ;
- il est en droit de bénéficier d'un titre de séjour salarié délivré sur le fondement de l'article 3 de cet accord ;
- l'absence de visa de long séjour ne s'opposait pas à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il peut prétendre à la délivrance d'une titre de séjour vie privée et familiale sur le fondement de l'article 7 quater du même accord ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2015, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...B..., ressortissant tunisien né le 26 mai 1970, relève appel du jugement en date du 28 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2015 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que selon l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". " ; que l'article 11 du même accord dispose que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. " ; qu'aux termes de l'article 2.3.3. du protocole relatif à la gestion concertée des migrations annexé à l'accord-cadre du 28 avril 2008, entré en vigueur le 1er juillet 2009 : " Le titre de séjour portant la mention "salarié", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. Cette liste peut être modifiée par échange de lettres entre les deux Parties. / Les deux Parties s'engagent à conjuguer leurs efforts afin de faciliter chaque année la délivrance du titre de séjour mentionné à l'alinéa précédent à 3 500 ressortissants tunisiens. " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 5221-15 du code du travail : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. " ;
3. Considérant, d'une part, que si M. B... soutient que les ressortissants tunisiens ne sont pas tenus de produire un visa de long séjour, il résulte, toutefois, de la combinaison des stipulations et des dispositions précitées que l'accord franco-tunisien ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui exige l'obtention d'un tel visa ;
4. Considérant, d'autre part, que si M. B...soutient que le préfet de la Mayenne aurait dû transmettre le dossier de sa demande à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, aucune disposition législative, aucune disposition légale ou réglementaire ni aucune stipulation conventionnelle ne fait obligation au préfet, saisi directement par l'étranger d'une demande d'admission en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'article 2.2.3. du protocole d'accord du 28 avril 2008, de saisir préalablement, pour avis sur cette demande de titre, cette direction ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de la Mayenne a examiné la demande de M. B...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la durée de 10 ans de séjour dont il se prévalait et de la présentation d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de serveur dans le domaine de la restauration ; que les dispositions de l'accord franco-tunisien n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
6. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de la Mayenne a procédé à un examen détaillé de la situation personnelle de M. B...en France ; qu'il a souligné qu'il avait saisi la commission du titre de séjour qui a émis un avis défavorable le 18 décembre 2014 à la demande de titre de séjour " vie privée et familiale " présentée par M. B... ; que le préfet a rappelé les conditions du séjour irrégulier du requérant, l'absence d'attaches personnelles en France et de qualification scolaire et professionnelle pour l'emploi qu'il projetait d'exercer ainsi que son insuffisante maîtrise de la langue française ; que, dans ces conditions, en estimant que M. B...ne justifiait pas de l'existence de circonstances exceptionnelles ou de motifs humanitaires au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Mayenne n'a entaché son arrêté ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en troisième lieu, que s'il fait valoir qu'il est en France depuis dix ans, M. B...est célibataire, sans enfant, et ne justifie pas d'attaches personnelles ou familiales dans ce pays ; qu'il ne justifie que de périodes courtes de travail en 2011 et 2013 ; que sa mère et sa soeur résident en Tunisie ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 2 février 2015 porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que l'illégalité du refus de séjour opposé à M. B... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée ;
9. Considérant, enfin, que M. B...se borne à reprendre en appel à l'appui de sa critique de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le même moyen que celui qu'il a invoqué devant les premiers juges et tiré de ce que le préfet de la Mayenne a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le tribunal administratif de Nantes a suffisamment et à bon droit répondu à ce moyen ; qu'il y a lieu, dès lors, de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur le surplus des conclusions :
11. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
3
N° 15NT01959