Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2017, la SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- doivent être exonérés, en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et de l'instruction BOI-IF-TFB-10-50-30 du 12 septembre 2012 n°160 et n°170, les alvéoles qui répondent à la définition des équipements et biens spécialisés ;
- la valeur de la part du terrain correspondant aux alvéoles fermées étant désormais négative, sa taxation est contraire aux dispositions des articles 1415 et 1495 du code général des impôts ainsi qu'à la doctrine administrative BOI-IF-TFB 20-10-30-20121210 n°580 qui exigent une valorisation annuelle des immobilisations en fonction de leur usage ;
- les casiers, une fois remplis, sont définitivement inutilisables pour les besoins de son activité professionnelle et doivent être exclus de la base imposable à la cotisation foncière des entreprises sur le fondement de l'article 1467 du code général des impôts ;
- les alvéoles fermées ne sont pas affectées au même usage que les alvéoles en cours d'exploitation et doivent être regardées comme des fractions de propriété distinctes au sens de l'article 1494 du code général des impôts et ainsi faire l'objet d'une évaluation propre ;
- la valeur locative du terrain relative aux alvéoles fermées doit être déterminée en application de l'article 1498 du code général des impôts par voie d'appréciation directe.
Par un mémoire, enregistré le 12 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Société de propreté et d'environnement de Normandie, qui exploite un centre d'enfouissement technique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a rectifié, par lettres du 18 juin 2012, les bases imposables à la taxe professionnelle pour l'année 2009, à la taxe foncière pour les années 2011 et 2012 et à la contribution foncière des entreprises pour les années 2010 à 2012. Ces bases ont servi à l'élaboration des impositions primitives de contribution foncière des entreprises au titre des années 2013 et 2014, qui ont été mises en recouvrement, respectivement, les 31 octobre 2013 et 31 octobre 2014 pour des montants, s'agissant de la commune d'Eroudeville, de 207 976 euros et 209 765 euros. Après le rejet de ses réclamations préalables portant sur les impositions dues au titre des années 2013 et 2014 par décision du 19 octobre 2015, la SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen la décharge de ces impositions. Elle relève appel du jugement du 28 juin 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'assujettissement à la contribution foncière des entreprises :
2. L'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction applicable dispose que : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. ". Par ailleurs, les dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts soumettent à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel. Doivent être regardées comme des terrains non cultivés employés à usage industriel, au sens et pour l'application de ces dispositions, les alvéoles exploitées au sein d'un centre de stockage de déchets ultimes, constituées d'un lit de graviers drainants surmonté d'une couche d'argile et de terre, étanchéifiées par membranes, comportant des drains de captage des lixiviats et des biogaz qui sont ensuite traités ou éliminés, et destinées, une fois comblées, à être recouvertes d'une couche de terre étanche et plantées de végétaux. De telles alvéoles demeurent.soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence
3. L'article 1494 du code général des impôts dispose que : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte. ". Il résulte des dispositions de l'article 324 A de l'annexe III à ce code que, pour l'application de ces dispositions, on entend : " 1. Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : (soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence) b. En ce qui concerne les établissements industriels, l'ensemble des sols, terrains, bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique (soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence) 2° Par fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte, lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier : (soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence) b. L'établissement industriel dont les éléments concourent à une même exploitation (soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence) ".
4. Si la SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie ne conteste pas que le terrain sur lequel est implanté le centre de stockage des déchets ultimes composé des alvéoles en cours d'exploitation relève des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, elle soutient que les alvéoles dites fermées, qui ne sont plus susceptibles de recevoir des déchets dans la mesure où elles sont remplies, ne peuvent être prises en compte de manière identique.
5. Toutefois, les alvéoles dites fermées n'étant ni détruites ni cédées, la SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie n'est pas fondée à soutenir qu'elles sont exclues de la base imposable à la contribution foncière des entreprises du seul fait qu'elles sont définitivement inutilisables.
6. Par ailleurs, les alvéoles dites fermées, bien que recouvertes, sont soumises à une obligation de surveillance environnementale pendant trente ans qui ne les rend pas disponibles pour un autre usage que celui de stockage des déchets. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que celles-ci ne concourent pas à la même exploitation que les alvéoles en cours d'exploitation et ne font pas partie du même groupement topographique. Il suit de là que les alvéoles fermées ne constituent pas une propriété destinée à une utilisation distincte au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1494 du code général des impôts. Par conséquent, conformément à ce qui a été dit au point 2, elles demeurent.soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties aussi longtemps que les terrains sur lesquels elles sont implantées n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages et ne sauraient l'être en application de l'arrêté préfectoral prescrivant leur suivi environnemental, la circonstance qu'elles aient été recouvertes d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation étant, à cet égard, dépourvue d'incidence
Sur la méthode de détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière :
7. L'article 1415 du code général des impôts dispose que : " La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ". L'article 1495 du même code prévoit que : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation. "
8. Les règles de détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession, à l'article 1498 pour tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499. L'article 1499 du code général des impôts prévoit que la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts, le prix de revient s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. Aux termes de l'article 1500 du code général des impôts : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ".
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les alvéoles dites fermées sont soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties en tant que terrains non cultivés employés à usage industriel. Dès lors, en application des dispositions citées au point 8 du présent arrêt, leur valeur locative doit être déterminée à partir de leur prix de revient, soit la valeur d'origine pour laquelle ces immobilisations ont été inscrites au bilan de la SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie. Il en résulte que la société n'est pas fondée à revendiquer que leur valeur locative soit déterminée par voie d'appréciation directe en application de l'article 1498 du code général des impôts. Par ailleurs, la circonstance que la valeur économique de la part du terrain correspondant aux alvéoles fermées serait négative étant sans incidence sur la valeur d'origine du terrain inscrit au bilan au titre des exercices pris en compte pour les impositions en litige, la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que les articles 1415 et 1495 du code général des impôts ont été méconnus.
10. La société requérante n'est, par ailleurs, pas fondée à invoquer le point 580 de l'instruction administrative BOI-IF-TFB 20-10-30-20121210 qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale.
Sur la base d'imposition :
11. L'article 1380 du code général des impôts du code général des impôts dispose que : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". L'article 1381 du code général des impôts prévoit que : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation (...) 5° Les terrains non cultivés employés à un usage (...) industriel ". L'article 1382 du même code dispose que : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° (...) de l'article 1381 ". Il résulte de ces dispositions que sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés employés à un usage industriel et que la base d'imposition de ces terrains est constituée de leur valeur locative et de celle des équipements qui en sont indissociables.
12. Les alvéoles entrant dans le champ de la taxe foncière au titre des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, elles ne peuvent relever du régime d'exonération institué par celles du 11° de l'article 1382 du code général des impôts.
13. La SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie n'est pas fondée à se prévaloir des points n°160 et n°170 de l'instruction BOI-IF-TFB-10-50-30 du 12 septembre 2012 qui ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application par le présent arrêt.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Société de propreté et d'environnement de Normandie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Société de propreté et d'environnement de Normandie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- Mme Malingue, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. Malingue
Le président,
J.-E. Geffray
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02614
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