Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 octobre 2017 et le 7 juin 2019, la société Industrielle de Saint-Florent, représentée par Me Buisson-Fizelier de la société BFPL avocats, demande à la cour :
1°) d'ordonner avant-dire droit une expertise sur le fondement des dispositions des articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 19 octobre 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
il est indispensable, avant que la cour ne statue, qu'une expertise soit ordonnée pour qu'un avis soit rendu sur la pertinence de la mise en oeuvre d'un silencieux couplé avec un filtre électrostatique sur la tour de séchage de l'usine ;
eu égard aux difficultés inhérentes pour assurer l'exécution des prescriptions concernées, le délai prescrit par l'arrêté contesté pour procéder à la mise en conformité de son site est insuffisant ;
les mesures imposées ne sont ni techniquement justifiées, ni économiquement acceptables.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en s'en remettant notamment aux écritures du préfet de Maine-et-Loire produites en première instance, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code de l'environnement ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. L'hirondel,
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
et les observations de Me Buisson-Fizellier, représentant la société industrielle de Saint-Florent (SISF).
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 avril 2011, le préfet de Maine-et-Loire a autorisé la société industrielle de Saint-Florent (SISF) à poursuivre l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement de réception, stockage, traitement et transformation de lait sur le territoire de la commune de Saint-Florent-le-Viel. Cet arrêté fixe, notamment, aux articles 6.2.1 et 6.2.2, en périodes diurne et nocturne, les valeurs maximales d'émergence dans les zones à émergences réglementées (ZER) et les niveaux de bruit à ne pas dépasser en limite de propriété de l'établissement. A la suite de plaintes relatives aux niveaux sonores de ces installations, l'administration a prescrit la réalisation de travaux nécessaires au respect des valeurs réglementaires prévues par l'arrêté d'autorisation au plus tard le 30 septembre 2011. La société requérante n'ayant pas déféré à cette demande, le préfet de Maine-et-Loire a pris à son encontre, le 15 février 2012, un arrêté de mise en demeure, suivi le 24 août 2012, d'un arrêté de consignation destiné à permettre la réalisation d'une étude acoustique et la présentation d'un échéancier de travaux. Le 7 novembre 2013, la société Industrielle de Saint-Florent a remis à l'administration une étude de l'impact acoustique de l'établissement, laquelle a mis en évidence que les sources d'émissions sonores les plus importantes du site provenaient de la cheminée de la tour de séchage ainsi que de la tour aéro-réfrigérante. Si cette étude a été complétée d'un échéancier de travaux, transmis le 30 décembre 2013, ce dernier document ne comportait toutefois aucune proposition concrète pour le traitement de la cheminée de la tour de séchage. Par des courriers des 17 février et 11 avril 2014, les services préfectoraux ont demandé à l'exploitant de proposer un échéancier portant sur l'ensemble des travaux de réduction des nuisances sonores ainsi que sur des délais de mise en oeuvre raisonnables. En l'absence d'une étude acoustique récente, l'inspecteur des installations classées a mandaté le bureau d'études Acoustibel pour la réalisation d'un contrôle des niveaux sonores de l'établissement. Le rapport de ce bureau d'études du 13 mai 2015 a mis en évidence, en différents points de mesure, des dépassements des valeurs limites d'émergence ou des niveaux de bruits en limite de propriété en méconnaissance de l'arrêté du 28 avril 2011. Par un arrêté du 19 octobre 2015, le préfet de Maine-et-Loire a mis en demeure la société Industrielle de Saint-Florent de respecter les prescriptions prévues aux articles 6.2.1 et 6.2.2 de l'arrêté d'autorisation. Cette société relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 171-6 du code de l'environnement : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation, un ouvrage, des travaux, un aménagement, une opération, un objet, un dispositif ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 171-8 du même code : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ". Il résulte de ces dispositions, que lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé.
3. La société Industrielle de Saint-Florent ne conteste pas qu'en dépit des travaux qu'elle a effectués courant 2016, l'installation en cause ne respecte pas, en tout point du site, les prescriptions contenues dans l'arrêté préfectoral du 28 avril 2011 en tant qu'elles portent sur les niveaux acoustiques. Ainsi, il résulte de la campagne de mesures acoustiques effectuée par la société dB Vib le 17 novembre 2016, que le niveau de bruit maximal admissible n'est pas respecté en période nocturne en deux points, LdP1 et LdP16, où il a été enregistré un niveau de bruit respectivement de 57,0 dB et 56,0 dB, soit un dépassement de la valeur admise de 3 et 4 dB. Ce dépassement doit être regardé comme une présomption de nuisance acoustique au sens de l'arrêté du 20 août 1985 relatif aux bruits aériens émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement, et auquel l'autorisation d'exploitation du 28 avril 2011 se réfère pour apprécier les nuisances sonores, qui prévoit une telle présomption " lorsqu'une des conditions ci-dessous est vérifiée : / 1. Les niveaux limites admissibles (Llimite) déterminés comme indiqué ci-après, sont dépassés ; / 2. L'émergence (e) par rapport au niveau sonore initial (LI) dépasse la valeur de 3 dBA. ". Toutefois, la société requérante soutient ne pas pouvoir continuer à entreprendre les travaux d'insonorisation de son site pour les sources acoustiques restant à traiter en faisant valoir, d'une part, ne pas disposer d'un délai suffisant et, d'autre part, que ces travaux sont techniquement injustifiés et économiquement inacceptables.
4. En premier lieu, il incombe à l'administration, pour donner un effet utile aux dispositions relatives à la régularisation de la situation de l'exploitation par la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, de prescrire dans la mise en demeure un délai en rapport avec les mesures à prendre par l'exploitant.
5. Selon l'arrêté contesté, l'exploitant est mis en demeure d'adresser au préfet, à compter de la date de la notification de la décision, le détail des mesures et le cahier des charges des travaux dans un délai de trois mois, le bon de commande relatif à ces travaux dans un délai de quatre mois et les justificatifs attestant de la conformité de l'installation dans un délai de huit mois, les travaux devant débuter dans un délai de six mois. Cet arrêté fait suite aux nombreux échanges intervenus entre l'administration et la société requérante tels que rappelés au point 1 la mettant notamment en demeure, dès 2011, de réaliser une étude acoustique et de présenter un échéancier de travaux. Il fait également suite aux plaintes de riverains et à la condamnation de l'Etat, suivant un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Nantes du 19 mars 2015, d'indemniser le préjudice moral et le trouble dans les conditions d'existence subis par deux d'entre eux pour ne pas avoir fait usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 171-8 du code de l'environnement de manière suffisamment adaptée et efficace. En outre, à la date de l'arrêté attaqué, la société requérante était en mesure de connaître, par l'étude Acoustibel du 13 mai 2015 diligentée par les soins de l'administration, les sources principales de bruit à traiter, lesquelles étaient identifiées dans cette étude. Il suit de là, alors qu'au surplus la société ne s'était pas mise en situation de respecter les prescriptions dans les meilleurs délais, qu'elle était à même d'apprécier l'ampleur et la nature des travaux à effectuer pour procéder, dès la notification de l'arrêté, à la consultation des entreprises et au lancement des appels d'offre. La société Industrielle de Saint-Florent n'apporte, au soutien de son allégation, aucun élément de nature à établir qu'elle serait dans l'incapacité de respecter les délais fixés dans l'arrêté préfectoral. En particulier, s'agissant de la durée des travaux, elle ne saurait utilement se référer à ceux réalisés sur la tour de séchage d'une autre usine du groupe située à Verdun dès lors, ainsi qu'elle le reconnaît au demeurant elle-même dans ses écritures, que ces travaux ne sont pas transposables au site qu'elle exploite. De même, il n'est pas établi, alors que l'arrêté contesté ne précise pas la nature des mesures imposées à l'exploitant pour assurer la mise en conformité du site, que l'intervention d'un permis de construire soit nécessaire. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les délais prescrits par l'arrêté préfectoral en litige seraient sans rapport avec les mesures à prendre pour assurer le respect des prescriptions contenues dans l'arrêté d'autorisation du 28 avril 2011.
6. En second lieu, la société Industrielle de Saint-Florent allègue que pour réduire les émissions sonores provenant de la source principale, à savoir la cheminée de la tour de séchage, et des sources annexes qui lui sont proches, il conviendrait de développer un nouveau produit spécifique composé d'un filtre électrostatique mais qui, selon elle, ne saurait lui être imposé dès lors qu'il est techniquement injustifié en l'absence de toute garantie de réduction significative du bruit et économiquement inacceptable faute, pour elle, de disposer des capacités financières pour pouvoir financer un tel investissement. Toutefois, et ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, l'arrêté contesté ne précise pas la nature des mesures imposées à l'exploitant pour assurer la mise en conformité du site. La société requérante, si elle entend faire valoir qu'il s'agirait de la " seule et unique solution connue en l'état des connaissances actuelles ", n'établit pas avoir engagé des démarches suffisantes dans la recherche de mesures alternatives. En particulier, le devis de la société dB Vib du 13 décembre 2013, le courrier de son directeur adressé au préfet le 10 avril 2014 et le courriel émanant de la société Eurosilence, ne font état d'aucune recherche effective de solutions alternatives et ne sauraient, par suite, justifier l'absence de tout procédé autre que celui mis en avant par la société requérante. Dans ces conditions, et alors que l'exploitation de l'installation génère des nuisances sonores qui sont la cause de plaintes de riverains, la société Industrielle de Saint-Florent n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige serait irrégulier au motif qu'il lui impose des travaux techniquement injustifiés et économiquement inacceptables.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Industrielle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Industrielle de Saint-Florent demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Industrielle de Saint-Florent est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Industrielle de Saint-Florent et au ministre de la Transition écologique et solidaire.
Une copie sera adressée au préfet de Mainet-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03258