Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 décembre 2020 et 25 février 2021, M. A... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 septembre 2020 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Allemagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Allemagne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne statue pas sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi que de l'article 13 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'il établit présenter une vulnérabilité particulière ;
- la décision méconnait les mesures sanitaires édictées en France et en Allemagne ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, que le jugement ne censure pas à tort, en ce qu'il écarte l'application de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 alors même qu'il a déposé une demande d'asile en Allemagne ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, au regard de son état de santé ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me D... , représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1999, déclare être entré en France le 27 juin 2020. Il a présenté une demande d'asile enregistrée le 3 août 2020 par le préfet de la Loire-Atlantique. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'il avait le 3 octobre 2016 demandé à bénéficier d'une protection internationale aux autorités italiennes puis, le 12 septembre 2017, demandé la même protection aux autorités allemandes. Consécutivement à leur saisine par le préfet de Maine-et-Loire, les autorités allemandes ont accepté le 7 août 2020 le transfert de M. C.... Par deux arrêtés du 17 août 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. C... à ces autorités et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 23 septembre 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés. M. C... relève appel de ce jugement uniquement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral portant transfert en Allemagne.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué répond, en son point 5, avec la précision suffisante au regard des obligations de motivation qui pesaient sur le préfet de Maine-et-Loire, au moyen soulevé par M. C... tiré de l'insuffisance de motivation en fait de la décision du 17 août 2020 décidant son transfert en Allemagne. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il ne répondrait pas au moyen ainsi soulevé manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, de la violation des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016, que M. C... reprend en appel, par adoption des motifs retenus aux points 3 à 11 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, M. C... soutient que la décision contestée du 17 août 2020 est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il " déclare avoir des problèmes de santé (affection oculaire depuis plusieurs mois) sans apporter de justificatifs médicaux (...) " alors qu'il a consulté un médecin le 1er septembre 2020. Cependant cette consultation n'est intervenue que postérieurement à la décision préfectorale. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes ne prendraient pas les mesures idoines pour le préserver de toute contamination par la Covid 19 après son transfert, alors par ailleurs que les mesures sanitaires qui sont imposées dans ce pays sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée et ne peuvent affecter que les modalités de son exécution.
6. En quatrième lieu, le relevé des empreintes de M. C... ayant permis de constater qu'il avait sollicité l'asile le 3 octobre 2016 en Italie puis le 12 septembre 2017 en Allemagne le préfet de Maine-et-Loire a sollicité ces deux Etats afin de décider d'un éventuel transfert. En réponse les autorités italiennes ont décliné leur compétence au bénéfice des autorités allemandes et ces dernières, le 7 août 2020, ont explicitement donné leur accord à ce transfert sur le fondement du d) du I de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, c'est-à-dire dans le cadre d'une reprise en charge de M. C... dont la demande de protection internationale a été rejetée par l'Allemagne. Par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir des critères permettant de déterminer l'Etat responsable de sa demande d'asile, tels qu'ils sont fixés au chapitre III " critères de détermination de l'Etat membre responsable " de ce règlement alors que cette détermination est intervenue en amont et qu'il convenait, ainsi que le préfet l'a fait, de faire application du chapitre V du règlement, incluant l'article 18, relatif aux " obligations de l'Etat membre responsable ". Par suite, l'erreur de droit alléguée ne peut qu'être écartée.
7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C..., et notamment de son état de santé alors que l'arrêté contesté fait état de sa situation médicale au regard des déclarations et justificatifs qu'il avait pu apporter. A cet égard M. C... ne peut utilement se prévaloir de consultations médicales et de prescriptions de médicaments postérieures à la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ne peut qu'être écarté.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
9. M. C... invoque sa vulnérabilité résultant de son parcours d'exil douloureux, de sa qualité de demandeur d'asile, de ses craintes d'être maltraité en Allemagne, où sa demande d'asile a été rejetée et où il n'a pas été médicalement pris en charge, et des risques résultant de la pandémie de Covid 19. Toutefois, les éléments présents au dossier n'établissent pas l'existence d'une situation de particulière vulnérabilité justifiant qu'il soit admis à déposer sa demande d'asile en France. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait voir son droit au séjour réexaminé en Allemagne, notamment dans l'hypothèse d'une évolution de sa situation médicale, alors que l'existence d'une décision de renvoi vers la Guinée n'est pas établie. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03847