Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er avril 2015, M. B...et MmeD..., représentés par Me Bourgeois, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 septembre 2014 ;
2°) de condamner l'Etat à verser respectivement à M. B...et à Mme D...la somme de 10 820, 93 euros et de 2 000 euros en réparation des mêmes préjudices subis, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable formée le 21 juin 2010, avec capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, Me Bourgeois, d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- leurs conclusions sont recevables dès lors notamment que le contentieux a été lié par l'envoi d'une demande préalable, reçue par l'administration le 28 juin 2010 ;
- la décision par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé à M. B...le renouvellement de son titre de séjour était irrégulière, ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 17 mai 2010 de la cour administrative d'appel, annulant cette décision ;
- elle a causé à M. B...un préjudice matériel en le privant de revenus professionnels au titre de l'année 2009, ainsi qu'un préjudice moral, lié à l'angoisse de voir exécutée la décision d'éloignement dont le préfet avait assortie ce refus de séjour ; de même Mme D...concubine du requérant depuis environ six années, justifie d'un préjudice moral du fait de cette décision irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2015, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables dès lors que la demande préalable ne portait pas sur les mêmes montants ; en tout état de cause MmeD..., qui n'était pas destinataire de la décision annulée par la cour administrative d'appel, est sans qualité pour en solliciter réparation ;
- les requérants ne justifient pas de la réalité des préjudices dont ils sollicitent l'indemnisation ;
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
1. Considérant que, par une décision du 17 mars 2009, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé à M. B...le renouvellement de son titre de séjour mention " vie privée et familiale ", en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et en fixant le pays à destination duquel elle devait être reconduite ; que, par un arrêt rendu le 17 mai 2010, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce refus de renouvellement de titre de séjour en se fondant sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que M. B...ainsi que Mme D...relèvent appel du jugement en date du 23 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'irrégularité de la décision du 17 mars 2009 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les requérants justifient en appel de la notification, à la date du 28 juin 2010, de la demande d'indemnisation adressée au préfet de la Loire-Atlantique préalablement à la saisine du juge administratif ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires dont il était saisi comme irrecevables au motif de l'absence de liaison du contentieux ; qu'en raison de cette irrégularité le jugement attaqué ne peut qu'être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B...et Mme D...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions à fins d'indemnisation :
4. Considérant, en premier lieu, en ce qui concerne le préjudice matériel allégué par M. B..., que ce dernier indique n'avoir pu travailler et par suite se procurer des revenus professionnels au cours de l'année 2009, en raison du refus de séjour qui lui a été opposé irrégulièrement le 17 mars 2009 ; que toutefois, en se bornant à produire un avis d'imposition ne faisant apparaître aucun revenu au titre de 2009 ainsi qu'une fiche de paie établie au titre du mois de juin 2011, il ne démontre ni qu'il exerçait en mars 2009 une activité professionnelle à laquelle l'arrêté en cause l'aurait obligé à mettre un terme, ni même qu'il justifiait à la même date d'une chance sérieuse d'occuper un emploi ;
5. Considérant, en second lieu, qu'en ce qui concerne le préjudice lié à la crainte de voir exécutée la décision d'éloignement que comportait l'arrêté du 17 mars 2009 entre la date de son édiction et la date de l'annulation de cette mesure, restée inexécutée, par l'arrêt du 17 mai 2010, il sera fait une juste appréciation du trouble dans les conditions d'existence de M. B...provoqué par cette situation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros, laquelle est en tout état de cause inférieure à celle présentée par M. B...dans sa demande préalable ; qu'en revanche il y a lieu de rejeter les conclusions formées au même titre par MmeD..., laquelle ne démontre la réalité d'aucun préjudice personnel ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. B...et Mme D...sont seulement fondés à demander la condamnation de l'Etat, à raison de l'irrégularité qui entache le refus de séjour du 17 mars 2009, à verser à M. B...la somme de 1 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bourgeois, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bourgeois de la somme de 600 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 septembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B...la somme de 1 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B...et de Mme D...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me Bourgeois la somme de 600 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 à condition que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT01077