Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 avril 2015 et le 10 juin 2016, la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant, représenté par Me D...puis par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 12 février 2015 ;
2°) de condamner la commune de Varaville à l'indemniser des préjudices nés pour elle de l'illégalité des arrêtés du 27 mai 2008, à hauteur de la somme de 106 131, 63 euros au titre du préjudice financier lié au report du point de départ des ventes en l'état futur d'achèvement pour la période de mai 2008 à janvier 2011, assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date d'introduction de sa requête de première instance ou, à titre subsidiaire, la somme de
12 864 euros au titre du préjudice financier lié à ce même report, pour la période de juin à septembre 2008, assortie des intérêts au taux légal capitalisés et, en tout état de cause, de
10 000 euros au titre de son préjudice commercial et de notoriété ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert ayant pour mission de déterminer le montant de ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Varaville la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune a commis plusieurs fautes, du fait de l'illégalité des arrêtés du 27 mars 2008 et de sa requête en annulation du jugement du 8 avril 2011, qui sont de nature à engager sa responsabilité à son égard ;
- elle ne pouvait pas engager les travaux au titre du permis de construire obtenu le
14 avril 2006, dès lors que les permis obtenus les 29 février et 7 mars 2008 s'y étaient substitués et qu'elle se trouvait, en toute hypothèse, dans une situation d'incertitude du fait de l'absence de retrait de ce premier permis ;
- ces fautes lui ont causé un préjudice financier, qui pourra éventuellement être estimé par un expert qu'il appartiendra au tribunal de désigner, ainsi qu'un préjudice commercial et de notoriété.
Une mise en demeure a été adressée le 11 décembre 2015 à la commune de Varaville.
Par des mémoires en défense enregistrés les 14 janvier et 21 octobre 2016, la commune de Varaville, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de
4 000 euros soit mise à la charge de la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête présentée par la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant est irrecevable, faute de qualité à agir en justice de son représentant légal, d'une part, la requête ne respectant pas les exigences formelles qu'impose l'article 9 de l'arrêté du 12 mars 2013, d'autre part ;
- les moyens soulevés par la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 25 octobre 2016.
Un mémoire présenté pour la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant a été enregistré le 16 novembre 2016, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant, et de MeE..., substituant MeC..., représentant la commune de Varaville.
Une note en délibéré présentée par la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant a été enregistrée le 18 novembre 2016.
1. Considérant que, par un arrêté du 14 avril 2006, le maire de Varaville (Calvados) a délivré à la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant un permis de construire portant sur un ensemble immobilier comprenant quatorze logements collectifs, trois maisons individuelles, des locaux commerciaux, des bureaux, une salle de convivialité et des garages ; que ce permis de construire a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Caen du 23 novembre 2007, lui-même ensuite annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 septembre 2008 confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2011 ; que la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant avait, dans l'intervalle, sollicité et obtenu, par des arrêtés des 29 février et 7 mars 2008, deux nouveaux permis de construire pour un projet situé sur les mêmes parcelles ; que ces deux arrêtés ont été retirés par le maire de Varaville le 27 mai 2008, au motif que les constructions autorisées se trouvaient sur l'emprise d'une voie publique dont la réalisation était imposée à la commune ; que ces arrêtés ont cependant été annulés par un jugement du tribunal administratif de Caen du 8 avril 2011 confirmé par un arrêt devenu définitif de la cour administrative d'appel de Nantes du 14 juin 2013 ; que la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant relève appel du jugement du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Varaville à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés du 27 mai 2008 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur la responsabilité de la commune de Varaville :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les arrêtés du 27 mai 2008 par lesquels le maire de Varaville a procédé au retrait des permis de construire accordés les 29 février et
7 mars 2008 à la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant ont été annulés par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 14 juin 2013 devenu définitif, au motif que l'engagement de réaliser la voie publique en cause ne pouvait légalement fonder ces retraits ; que cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de la commune de Varaville, à laquelle il ne peut, en revanche, être reproché d'avoir relevé appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 8 avril 2011 ;
Sur les préjudices :
3. Considérant, d'une part, que la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant sollicite la condamnation de la commune de Varaville à l'indemniser, à hauteur de 106 131,63 euros, du préjudice financier né pour elle, du fait de l'illégalité des arrêtés du 27 mai 2008, du retard pris dans les ventes en l'état futur d'achèvement des constructions projetées, entre mai 2008 et janvier 2011 ; que la société requérante avait toutefois obtenu, par un arrêté du 14 avril 2006, un permis de construire sur les terrains ayant fait l'objet des deux permis illégalement retirés ; qu'à la date à laquelle les permis des 29 février et 8 mars 2009 ont été délivrés, celui du 14 avril 2006 avait été annulé, ce qui faisait obstacle à ce qu'ils puissent être regardés comme ayant implicitement mais nécessairement retiré ce dernier ; que l'annulation du permis de construire du 14 avril 2006 ayant été infirmée par la cour administrative d'appel de Nantes le 30 septembre 2008, puis par le Conseil d'Etat le 23 décembre 2011, la société requérante était légalement autorisée à se prévaloir de ce permis à compter, à tout le moins, de cette première date, voire dès le 14 avril 2006 ; qu'il ne résulte, par ailleurs, pas de l'instruction que les recours successifs auraient fait obstacle à l'obtention d'un financement ou à l'engagement des travaux par la SCI requérante, qu'elle ne justifie pas avoir sollicités ; que la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant n'est, dès lors, pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un préjudice financier ;
4. Considérant, d'autre part, que si la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant se prévaut également d'un préjudice commercial et de notoriété, les documents bancaires et comptables qu'elle produit à cet effet ne sont pas de nature à établir la réalité d'un tel préjudice, dès lors au demeurant qu'il résulte des énonciations du point 3 qu'il lui était légalement possible de débuter les travaux dès le 14 avril 2006 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ni d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Varaville qui n'est, pas dans la présence instance, la partie perdante, la somme dont la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant sollicite le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Varaville ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Varaville au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant et à la commune de Varaville.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT01427