Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 septembre 2017 et un mémoire enregistré le 23 mars 2018, la province Sud, représentée par Me Lazennec, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600448 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner M. C... D..., pour contravention de grande voirie, à une amende de 178 000 F CFP ;
3°) de condamner M. C...D...à lui verser la somme de 1 575 000 francs CFP au titre des frais de remise en état du domaine, ou, à défaut, d'enjoindre à M. D...de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à l'évacuation ou au broyage de tous branchages, arbres ou arbustes coupés situés sur le domaine public maritime aux droits du lot n° 33 pie, section Païta, ainsi qu'à la remise en état de cette partie du domaine public par la replantation de cent plants d'arbres appartenant aux mêmes espèces que celles abattues (bouraos, martaouis, gaïacs et tiarés calédoniens) sous peine d'une astreinte de 10 000 francs CFP par jour de retard avec la possibilité pour la province Sud, faute d'exécution dans ce délai, d'y procéder d'office et aux frais de M. D... ;
4°) de mettre à la charge de M. D...le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 774-1 du code de justice administrative, il aurait dû être rendu par un juge statuant seul et non par une formation collégiale ;
- les faits relevés constituent une contravention de grande voirie au sens de l'article 75 de la loi du pays du 11 janvier 2002 ; le procès-verbal du 22 janvier 2016 établit les faits avec suffisamment de précision et pouvait rapporter les propos de tiers ;
- les éléments de preuve récoltés par l'agent assermenté démontrent clairement la culpabilité de M.D..., qui n'a d'ailleurs pas nié être l'auteur des abattages d'arbres ;
- la réparation de l'infraction suppose une peine d'amende et la condamnation du contrevenant, qui n'a pas la capacité technique pour assumer lui-même les travaux de replantation, à prendre en charge les frais de remise en état.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2018, M. C... D..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 250 000 francs CFP à la charge de la province Sud en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- sa culpabilité n'est pas établie, les accusations portées contre lui n'étant pas démontrées ;
- le procès-verbal de constat de contravention de grande voirie lui a été notifié près de dix mois après la constatation des faits par l'agent verbalisateur, alors que les articles L. 774-2 et L. 774-9 du code de justice administrative prévoient un délai d'un mois, ce qui a porté atteinte à son droit de se défendre ;
- les demandes de remise en état ne sont pas fondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ;
- la loi du pays n° 2012-6 du 5 septembre 2012 fixant les règles générales du domaine public immobilier de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, de leurs groupements et de leurs établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Lazennec, avocat de la province Sud.
Des notes en délibéré ont été présentées le 30 mars 2018 pour la province Sud et le 12 avril 2018 pour M.D....
1. Considérant que la province Sud de Nouvelle-Calédonie, constatant en décembre 2015 la présence d'arbres abattus sur son domaine public maritime, a saisi le 19 décembre 2016 le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande de condamnation de M. D..., pour cette contravention de grande voirie, à une amende et à la remise en état du domaine ; qu'elle relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 774-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue sur les difficultés qui s'élèvent en matière de contravention de grande voirie, à défaut de règles établies par des dispositions spéciales. " ; que cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le président du tribunal administratif ou son délégué, qui ne constituent pas une juridiction distincte du tribunal lui-même, renvoient à celui-ci le jugement d'une requête en matière de contravention de grande voirie ; que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir été rendu par une formation collégiale et non par un juge statuant seul doit donc être écarté ;
Sur la régularité de la poursuite :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du pays du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces : " Tout fait matériel pouvant compromettre la conservation d'une dépendance du domaine public maritime ou nuire à l'usage auquel cette dépendance est légalement destinée, constitue une contravention de grande voirie, constatée, réprimée et poursuivie par la voie administrative " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 774-2 et L. 774-9 du code de justice administrative, dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention sur le domaine public provincial, le président de l'assemblée de la province adresse au contrevenant la notification de la copie du procès-verbal, indiquant à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai d'un mois à compter de la notification ; que, si l'observation de ce délai de dix jours n'est pas prescrite à peine de nullité, la notification tardive du procès-verbal ne doit pas porter atteinte aux droits de la défense ;
4. Considérant que le procès-verbal de contravention de grande voirie, qui constate, de façon d'ailleurs fort imprécise, " la présence de nombreux arbres abattus " sur cinq sites dépendant du domaine public provincial à la Pointe Maa (commune de Païta), a été établi à la suite d'une visite sur place du 17 décembre 2015, complétée par la relation d'une conversation téléphonique du 21 janvier 2016 et est daté du 22 janvier 2016 ; qu'il est constant que ce procès-verbal n'a été notifié à M. D... que par un courrier recommandé daté du 8 décembre 2016, reçu le 15; que, compte tenu tant de la nature de l'atteinte portée au domaine public, un abattage d'arbres qui daterait d'octobre 2015, que de la circonstance que la province Sud l'a imputée à M. D... sur la foi de déclarations de tiers, celui-ci est fondé à soutenir que, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'écoulement d'un délai de près de onze mois entre l'établissement du procès-verbal et sa notification, sans que la province Sud n'apporte d'explication à ce retard, l'a privé de la possibilité de rassembler des preuves utiles pour présenter sa défense ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les poursuites n'ont pas été engagées dans des conditions régulières ; que, par suite, la province Sud n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant au prononcé des condamnations qu'elle sollicitait ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la province Sud, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. D...fondées sur les mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la province Sud est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C...D...fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la province Sud et à M. C...D....
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03090