Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 11 septembre 2018 et 13 septembre 2019, M. A..., représenté par la Selarl Legloahec Legigan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1714988/6-3 du 19 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 1er août 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, l'a affecté au centre pénitentiaire du Havre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une irrégularité dès lors qu'elle ne mentionne qu'incomplètement les voies de recours ;
- la décision est insuffisamment motivée et les motifs avancés sont erronés car l'établissement d'affectation n'est pas adapté et est trop loin pour permettre le maintien de liens étroits entre M. A... et son fils ; cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale.
La requête a été communiquée à la garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par décision du 18 décembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. A... l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice ;
- l'arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en sous-directions de la direction de l'administration pénitentiaire ;
- l'arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en mai 1974, a été condamné le 3 juin 2016 par la Cour d'assises de Seine-Maritime à une peine de vingt-trois ans de réclusion criminelle pour l'homicide volontaire de sa compagne, mère de son fils. Par une décision du 1er août 2017 prise après une période d'observation au centre pénitentiaire de Fresnes comme le prévoit le code de procédure pénale, la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé son affectation initiale au quartier centre de détention du centre pénitentiaire du Havre, en Seine-Maritime, alors que M. A... avait souhaité une affectation au centre de détention du Val-de-Reuil, dans le département de l'Eure, à proximité de l'ancien domicile familial et de celui de ses parents, chez lesquels réside son fils. M. A... fait appel du jugement du 19 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, Mme F... E..., signataire de la décision attaquée, directrice pénitentiaire d'insertion et de probation, en fonctions au bureau de gestion de la détention de la direction de l'administration pénitentiaire, qui a notamment pour mission, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire, " l'affectation des condamnés ", a reçu délégation, par arrêté du 1er septembre 2016, publié au Journal officiel de la République française du 11 septembre 2016, à l'effet de signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, tous actes et décisions à l'exclusion des arrêtés et décrets. Dès lors, elle était compétente pour signer la décision du 1er août 2017 affectant M. A... au quartier centre de détention du centre pénitentiaire du Havre. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, si l'absence de mention, dans une décision administrative, des voies et délais de recours est de nature à faire obstacle à ce que la méconnaissance des délais de recours contentieux puisse être opposée, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée. Le moyen, qui manque en droit, ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, la décision du 1er août 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé d'affecter initialement M. A... au quartier centre de détention du centre pénitentiaire du Havre, en Seine-Maritime n'entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention.
6. Il n'est pas contesté que le centre pénitentiaire du Havre est un établissement adapté au profil pénal et pénitentiaire de M. A... où il pouvait légalement être affecté. M. A... fait cependant valoir qu'il a conservé des liens étroits avec son fils, âgé de onze ans à la date de la décision attaquée, et ses parents, chez lesquels celui-ci réside, et que tous trois habitant dans le département de l'Eure, lui rendaient visite de façon hebdomadaire lorsqu'il était incarcéré à .... Toutefois, la distance séparant le centre pénitentiaire du Havre du lieu de résidence des proches et relations de M. A... permet le maintien des visites et ne rend pas impossible l'exercice par l'intéressé de son droit à une vie privée et familiale. Dès lors, eu égard aux contraintes pesant sur l'administration pénitentiaire dans l'affectation des détenus, l'atteinte portée par la décision attaquée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale n'est pas disproportionnée au regard des motifs pour lesquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris, l'Etat n'étant pas partie perdante, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme G..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
Le rapporteur,
A. C...La présidente,
S. G...La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
N° 18PA03041 2