Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 mai 2015, 22 février 2016 et 21 juin 2016, la société Piercan, représentée par la SELAS CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon, demande à la Cour :
1°) avant dire droit, d'ordonner une expertise relative à l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche ;
2°) d'annuler le jugement n° 1408707/2-3 du 19 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et de lui accorder la restitution du crédit d'impôt recherche qui lui avait été remboursé les 16 juin 2011 et 6 juillet 2012 ;
4°) de mettre une somme de 10 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en remboursement des frais exposés en première instance et devant la Cour.
Elle soutient que :
- ses quatre projets sont éligibles au crédit d'impôt recherche ;
- s'agissant de MmeB..., le litige est sans objet dès lors que celle-ci ne figurait pas sur la liste du personnel de recherche pour lequel le crédit d'impôt était demandé ;
- s'agissant de M.A..., il est titulaire d'un brevet de technicien supérieur de maintenance industrielle et a participé aux opérations de recherche ;
- les immobilisations affectées aux opérations de recherche sont, d'une part, celles constituant une chaîne de production, dans la mesure où cette chaîne est utilisée pour la réalisation des " essais maquettes ", d'autre part, les " moules mères ", le banc de contrôle et le laboratoire de fabrication des gants ; les taux d'affectation de ces immobilisations aux opérations de recherche sont respectivement de 25 % et 100 % ;
- l'article 49 septies I quater de l'annexe III au code général des impôts ne s'oppose pas à ce que des dépenses correspondant aux salaires payés aux personnels qui consultent internet pour s'informer des nouveautés technologiques soient prises en compte dans les dépenses de recherche.
Par des mémoires, enregistrés les 22 septembre 2015, 14 mars 2016 et 6 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé le 14 mars 2016 par la direction de contrôle fiscal Ile-de-France et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- s'agissant des salaires de MmeB..., le litige n'est pas sans objet dès lors que l'intéressée figurait dans les personnels affectés aux travaux de veille technologique ;
- le tableau produit par la société Piercan ne suffit pas à établir que M.A..., qui était responsable de la maintenance, laquelle concerne en principe la production, aurait participé à des travaux de recherche ;
- la société ne justifie pas les pourcentages de 25 % et 100 % d'affectation de ses immobilisations aux opérations de recherche ;
- elle ne justifie pas non plus avoir exposé des dépenses de veille technologique, éligibles au crédit d'impôt recherche.
Par ordonnance du 22 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juillet 2016.
Un mémoire a été présenté pour la société Piercan le 25 novembre 2016, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que la société Piercan exerce une activité de conception et de fabrication de gants de protection destinés à l'industrie ; qu'elle a revendiqué, au titre de dépenses exposées en 2009 et 2010, des crédits d'impôt recherche d'un montant total de 778 213 euros ; qu'elle a partiellement imputé ces crédits sur l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des années 2009 et 2010 ; que le solde des crédits d'impôt lui a été remboursé les 16 juin 2011 et 6 juillet 2012 ; qu'elle a fait l'objet en 2012 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause ces crédits et, d'une part, a mis à sa charge des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2009 et 2010, d'autre part, a exigé la restitution de la fraction des crédits d'impôt qui lui avait été remboursée ; que, par la présente requête, la société Piercan relève appel du jugement en date du 19 mars 2015, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et à la restitution des crédits d'impôt repris par l'administration ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision en date du 14 mars 2016, postérieure à l'introduction de la présente requête d'appel, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement d'un montant total, en droits et pénalités, de 642 647 euros en ce qui concerne les crédits d'impôt recherche litigieux, imputés par la société Piercan, ou remboursés à celle-ci, et d'un montant de 30 961 euros en ce qui concerne l'amende de 5 % infligée à la société sur le fondement de l'article 1731 du code général des impôts ; que les conclusions en décharge ou en restitution de la société Piercan sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies , 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 euros par an (...) " ;
4. Considérant que la société Piercan demandait que soit reconnu le caractère éligible au crédit d'impôt recherche des dépenses, notamment de personnel, qu'elle avait exposées à raison de quatre projets de recherche et développement, conduits par elle en 2009 et 2010 ; que, devant la Cour, l'administration a admis que ces quatre projets étaient éligibles au crédit d'impôt recherche et a prononcé le dégrèvement susmentionné ; que l'administration maintient cependant que certaines dépenses exposées par la société ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche, c'est-à-dire les dépenses de personnel afférentes à M. A...et Mme B..., respectivement responsable du service maintenance et assistante commerciale, les dotations aux amortissements et les dépenses de veille technologique ;
5. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M.A..., qui était responsable de la maintenance au sein de la société Piercan, laquelle concerne en principe les opérations de fabrication, aurait participé aux travaux de recherche ; que le tableau que produit la société, qu'elle a elle-même établi, duquel il ressort que M. A...aurait été affecté à l'activité de recherche et développement à hauteur de 40 % de son temps de travail en 2009 et 43 % en 2010, présente à cet égard un caractère probant insuffisant ; que, s'agissant de Mme B..., s'il est constant que les rémunérations qui lui ont été versées n'ont pas été prises en compte par la société Piercan au titre des dépenses de personnel de recherche, elle les a néanmoins incluses dans les dépenses de veille technologique ; que, pour les raisons exposées au point 7 ci-dessous, ces rémunérations ne peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt ;
6. Considérant que la requérante soutient avoir utilisé pour ses opérations de recherche, d'une part, une chaîne de production, d'autre part, des " moules mères ", un banc de contrôle et le laboratoire de fabrication des gants ; qu'elle soutient que les pourcentages d'affectation de ces immobilisations aux travaux de recherche étaient respectivement de 25 % et 100 % ; que, cependant, aucune des pièces du dossier ne permet de corroborer cette affirmation, alors que l'expert mandaté par le délégué régional à la recherche et à la technologie a relevé dans trois rapports successifs que ces pourcentages étaient invérifiables ; que les dotations aux amortissements constituées par la société Piercan pour ces immobilisations ne peuvent donc ouvrir droit au crédit d'impôt ;
7. Considérant que la société Piercan soutient que les dépenses de veille technologique qu'elle a prises en compte correspondent aux salaires versés à son personnel affecté aux projets de recherche et de développement qui ont été regardés comme éligibles au crédit d'impôt recherche, au prorata du temps passé à recueillir de l'information sur les acquis scientifiques et techniques ; que, cependant, en l'absence de tout élément au dossier permettant d'apprécier la consistance et la réalité du temps passé par chacun des salariés à la réalisation de la veille technologique, les rémunérations de ces salariés ne sauraient être assimilées à des dépenses de veille technologique, au sens du j) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que la société Piercan n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge et en restitution ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 2 000 euros en remboursement des frais exposés par la société Piercan tant en première instance que devant la Cour ;
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Piercan, à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, d'un montant total, en droits et pénalités, de 642 647 euros en ce qui concerne les crédits d'impôt recherche litigieux, imputés par la société Piercan, ou remboursés à celle-ci, et d'un montant de 30 961 euros en ce qui concerne l'amende de 5 % infligée à la société sur le fondement de l'article 1731 du code général des impôts.
Article 2 : Le surplus des conclusions en décharge et en restitution de la société Piercan est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Piercan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Piercan et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux est).
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01925