Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 août 2014 et 29 octobre 2015, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300545 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
2°) d'annuler l'arrêté du président de la Polynésie française du 11 juillet 2013 ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française de le réintégrer dans ses fonctions de chef du service de l'urbanisme et dans sa rémunération dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas eu communication des griefs formulés à son encontre bien que la décision contestée ait été prise en considération de sa personne ;
- la décision contestée n'a pas été prise dans l'intérêt du service ;
- le simple projet envisagé de restructuration du service ne pouvait justifier qu'il soit mis fin à ses fonctions ;
- la décision repose sur un motif matériellement inexact car ce projet de restructuration n'est jamais intervenu et son poste n'a jamais été supprimé ;
- le motif ensuite invoqué par la Polynésie française, tiré de la perte de confiance à son encontre du gouvernement issu des élections territoriales de mai 2013, doit également être écarté car aucun élément objectif ne permet de caractériser une perte de confiance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2015, la Polynésie française représentée par la SCP de Chaisemartin - Courjon, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant d'une mesure à la décision du gouvernement, elle était seulement tenue de mettre M. A...à même de demander utilement la communication de son dossier et de faire connaître ses observations en lui indiquant la mesure qu'elle envisageait de prendre, ce qu'elle a fait par courrier du 2 juillet 2013 ;
- la décision de mettre fin aux fonctions de M. A...est dépourvue de caractère disciplinaire et repose sur l'absence de lien de confiance entre l'intéressé et le nouveau gouvernement issu des élections territoriales d'avril et mai 2013 ;
- le compte rendu sur lequel se fonde le requérant pour soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'erreur de fait et de droit est dépourvu de toute valeur probante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 96-177 APF du 19 décembre 1996 relative aux agents publics occupant des emplois fonctionnels ou rémunérés par rapport à la grille des emplois fonctionnels ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me de Chaisemartin, avocat de M. A...;
1. Considérant que M.A..., fonctionnaire de la Polynésie française en service détaché, a été nommé chef du service de l'urbanisme par arrêté du président de la Polynésie française du 17 novembre 2010 ; qu'il relève appel du jugement en date du 20 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2013 du président de la Polynésie française mettant fin à ses fonctions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 93 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée : " Le secrétaire général du gouvernement, les secrétaires généraux adjoints, chefs de services, directeurs d'offices ou d'établissements publics de la Polynésie française (...) sont nommés en conseil des ministres. Il est mis fin à leur fonction dans les mêmes conditions. Ces emplois sont laissés à la décision du gouvernement de la Polynésie française. (...) " ;
3. Considérant que s'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier le bien-fondé d'une décision mettant fin aux fonctions d'un agent occupant l'un des emplois prévus par l'article 93 de la loi organique du 27 février 2004, il lui appartient, en revanche, de rechercher si cette décision a été prise dans l'intérêt du service et si elle ne repose pas sur un motif matériellement inexact, sur une erreur de droit ou si elle n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir ; qu'en l'espèce, la Polynésie française justifie la décision prise à l'encontre de M. A...par la perte de confiance du gouvernement issu des élections territoriales des 21 avril et 5 mai 2013 à l'égard de M. A..., nommé par le précédent gouvernement ; que, cependant, la Polynésie française se borne à invoquer ce changement de gouvernement sans faire état du moindre élément de nature à établir qu'il était susceptible, pour le nouveau gouvernement, d'entraîner une perte de confiance en M.A..., alors que ce dernier soutient, sans que cette affirmation soit contredite par la Polynésie française, qu'il était prêt à conduire la politique du gouvernement sans aucune difficulté et que certains chefs de service sont restés en place plus de dix ans et ont obtenu la confiance de treize gouvernements successifs ; qu'il suit de là que la décision mettant fin aux fonctions de M. A...doit être regardée comme fondée sur des faits matériellement inexacts ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'en cas d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir d'une mesure mettant fin aux fonctions d'un agent, celui-ci doit être regardé comme n'ayant jamais été évincé de son emploi ; que cette annulation a pour effet de replacer l'agent dans la situation administrative où il se trouvait avant l'intervention de la mesure contestée ; que l'annulation de la décision litigieuse en date du 11 juillet 2013, mettant fin aux fonctions de M. A...en qualité de chef du service de l'urbanisme, implique la réintégration de l'intéressé à compter de la date d'effet de cette décision ; qu'il y a lieu en conséquence d'enjoindre à la Polynésie française de procéder à cette réintégration, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 mai 2014 du tribunal administratif de la Polynésie française et l'arrêté du 11 juillet 2013 du président de la Polynésie française sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la Polynésie française de procéder, à compter de la date d'effet de l'arrêté du 11 juillet 2013, à la réintégration de M. A...dans ses fonctions de chef du service de l'urbanisme, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : La Polynésie française versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M.Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03843