Par une ordonnance n° 2003683 du 23 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie ;
- l'arrêté contesté n'est ni nécessaire ni proportionné à l'objectif de lutte contre l'épidémie de covid-19, aucun espace de la ville d'Evreux n'étant caractérisé par une densité de personnes significative au regard du risque de contamination au covid-19 ;
- l'arrêté se fonde sur un critère de continuité urbaine erroné, les communes d'Angerville-la-Campagne et Guichainville ne faisant pas partie de l'unité urbaine d'Evreux telle que définie par l'INSEE contrairement aux communes d'Arnières-sur-Iton et Saint-Sébastien-de-Morsent qui ne sont pas concernées par l'obligation de port du masque et ces communes ne connaissant pas de densité de personnes particulière ni dans leurs zones commerciales, ni sur l'ensemble de leur territoire ;
- le préfet s'est à tort fondé sur des critères inadaptés de forte densité de population et de nombreux brassages et mouvements pendulaires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. La liberté d'aller et venir et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, qui implique en particulier qu'il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu'imposent la sauvegarde de l'ordre public, le respect des droits d'autrui et le droit au respect de sa vie privée et personnelle, constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Au vu de l'évolution de la situation sanitaire, les mesures générales adoptées par décret ont assoupli progressivement les sujétions imposées afin de faire face à l'épidémie.
4. En vertu du I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 11 juillet 2020 au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, réglementer la circulation des personnes. En vertu du deuxième alinéa du II du même article, lorsque ces mesures doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même, après avis, rendu public, du directeur général de l'agence régionale de santé. Ces mesures, selon le III de cet article, " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ". Le IV du même article précise qu'elles peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. Enfin, il résulte du VII du même article que la violation de ces mesures peut faire l'objet d'une amende d'un montant forfaitaire de 135 euros, et, en cas de récidive dans les quinze jours, d'une amende de cinquième classe ou, en cas de violation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général. Aux termes du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé : " Dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent ".
5. Le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération. Il en résulte que le préfet, lorsqu'il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d'application de cette règle de façon uniforme dans l'ensemble d'une même commune, voire d'un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu'il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d'un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail.
6. Par un arrêté du 14 septembre 2020, le préfet de l'Eure a imposé le port du masque aux personnes de onze ans et plus sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public dans les communes d'Evreux, Gravigny, Guichainville et Angerville-la-Campagne entre 7 heures et 2 heures du matin à l'exclusion des bois et forêts. Cet arrêt prévoit toutefois qu'il ne s'applique pas aux personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation, aux personnes pratiquant une activité physique soutenue et aux conducteurs de deux roues ayant obligation de porter un casque. M. A... relève appel de l'ordonnance du 23 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce que soit suspendue l'exécution de cet arrêté ou à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure de réexaminer les limites géographiques de la zone du port du masque obligatoire à Evreux et de prendre toutes mesures de nature à faire cesser ou diminuer l'atteinte aux libertés fondamentales résultant de l'obligation du port du masque.
7. Pour rejeter la demande de M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, après avoir rappelé les dispositions et principes cités aux points 4 et 5, a relevé, en premier lieu, que la circulation du virus s'est accélérée dans l'agglomération d'Evreux, le nombre de nouveaux cas étant passé de 64,4 à 110,7 pour 100 000 habitants entre le 11 et le 18 septembre, et que cette situation impose aux pouvoirs publics de prendre les mesures adaptées pour contenir la propagation de cette épidémie. En deuxième lieu, il a relevé qu'en l'état actuel des connaissances, le virus peut se transmettre par gouttelettes respiratoires, par contacts et par voie aéroportée et que les personnes peuvent être contagieuses sans le savoir. En troisième lieu, il a estimé que la délimitation du territoire concerné par l'obligation de port du masque est cohérente et justifiée, cette obligation s'appliquant à Evreux et à trois communes ayant avec Evreux soit un continuum urbain très fort, soit un lien utilitaire et commercial, compte tenu de l'implantation d'un centre commercial fréquenté par les habitants d'Evreux. En quatrième lieu, il a relevé que le préfet avait tenu compte des caractéristiques des communes concernées en excluant les espaces publics de bois et forêts et avait prévu des dérogations pour les personnes dont l'état de santé n'est pas compatible avec le port du masque et pour des activités physiques soutenues telles que le vélo ou la course à pied. Le juge des référés du tribunal administratif de Rouen en a déduit que l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et de venir et à la liberté personnelle des résidents des communes concernées. M. A..., qui ne conteste pas que les données épidémiologiques de l'agglomération d'Evreux montrent une aggravation nette de la situation sanitaire, n'apporte aucun élément nouveau en appel susceptible d'infirmer l'appréciation ainsi retenue par le juge des référés de première instance.
8. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. A... ne peut être accueilli. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejeté, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera transmise pour information au ministre des solidarités et de la santé.