Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard au préjudice financier qu'elles subissent dès lors que, en premier lieu, la mesure de fermeture des instituts de beauté a été étendue à l'ensemble du territoire métropolitain à compter du 4 avril 2021 par décret du 2 avril 2021, en deuxième lieu, à ce jour, près de quatre-vingt-dix affiliés et cinq cents dépositaires Guinot et Mary Cohr sont en phase de fermeture définitive et, en dernier lieu, la mesure entraîne une concurrence déloyale dommageable pour l'ensemble des professionnels de l'activité de soins esthétiques ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce et de l'industrie ainsi qu'au principe de non-discrimination ;
- la mesure contestée n'est pas adaptée dès lors que les instituts de beauté ne sont pas de nature à constituer des clusters et que les dernières études publiées confirment que la fréquentation des commerces, notamment des salons de coiffure et a fortiori des instituts de beauté, n'a pas été associée à un surrisque de contamination ;
- elle n'est pas nécessaire dès lors que, dans le contexte sanitaire actuel, le protocole sanitaire appliqué par l'ensemble des professionnels de l'activité " soins et beauté ", à la suite de l'adoption de la norme AFNOR SEPC X50-231, assure une compète protection du public traité dans les établissements concernés ;
- elle n'est pas proportionnée en ce que l'interdiction absolue de tout accueil du public dans l'ensemble des établissements exerçant une activité de soins de beauté correspondant à l'activité code NAF 96.02 n'est pas justifiée par des risques sanitaires qui seraient propres à ce type d'activité ou par un prétendu brassage, circulation de population ou interaction entre les personnes depuis la fermeture sur l'ensemble du territoire métropolitain des grands centres commerciaux ou grandes surfaces commerciales de plus de dix mille mètres carrés ;
- elle est discriminatoire dès lors que les salons de coiffure, qui ressortissent du même type d'activité code NAF 96.02, sont autorisés à accueillir du public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
-le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
-le décret n° 2021-384 du 2 avril 2021;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 22 avril 2021 à 18 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
Sur le cadre du litige :
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code dispose que : " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 131-19. " Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité. " Ce même article précise à son III que les mesures prises en application de ses dispositions " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. ".
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit les autorités compétentes à prendre diverses mesures destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020 a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie de covid-19 sur le territoire national a conduit le Président de la République à prendre, le 14 octobre 2020, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire de la République. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire modifié par la loi du 15 février 2021 a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021 inclus. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'urgence sanitaire.
5. Il résulte de l'instruction que la situation épidémiologique est marquée depuis plusieurs semaines par une forte augmentation de la circulation du virus à partir d'un plateau élevé. Ainsi, au 21 avril, plus de 5 374 288 cas ont été confirmés positifs à la Covid-19, en augmentation de 34 968 dans les dernières vingt-quatre heures. 101 881 décès de la Covid-19 sont à déplorer au 21 avril 2021, en hausse de 313 cas à l'hôpital en vingt-quatre heures. Enfin, le taux d'occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la Covid-19 reste élevé, à 117,81 % en France.
Sur la demande en référé :
6. Il résulte de l'instruction que le décret du 29 octobre 2020 a été modifié par le décret du 19 mars 2021 litigieux pour faire face à l'aggravation de la propagation de l'épidémie. L'article 4 du décret modifié interdit ainsi tout déplacement des personnes hors de leur lieu de résidence entre 6 heures et 19 heures du matin et fixe une liste limitative des exceptions à cette interdiction, parmi lesquelles figurent les déplacements afin d'effectuer les achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle, des achats de première nécessité, de retrait de commandes et de livraisons. Le IV de l'article 37 du décret modifié fixe la liste limitative des activités de commerce pour lesquelles l'accueil du public par les magasins de vente et les centres commerciaux dont la surface utile est inférieure à vingt mille mètres carrés demeure autorisé, qui comprend notamment les services de coiffure.
7. Les sociétés requérantes demandent, d'une part, la suspension de l'exécution des dispositions du IV de l'article 37 du décret du 29 octobre 2020 modifié, en tant qu'elles ne comprennent pas les soins de beauté parmi les activités pouvant accueillir du public entre 6 heures et 19 heures sur l'ensemble du territoire métropolitain, et d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de modifier ces dispositions en ce sens dans un délai de deux jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
8. Les mesures contestées participent de la politique mise en oeuvre par le gouvernement pour lutter contre la propagation de l'épidémie visant notamment à restreindre strictement les déplacements de personnes hors de leur domicile, afin de limiter les interactions sociales à l'occasion desquelles la propagation du virus est facilitée, notamment dans les milieux clos. Il résulte de l'instruction que l'interdiction d'accueillir du public dans le magasin pour la majorité des commerces, dont les instituts de beauté, répond à l'objectif de restriction des déplacements des personnes hors de leur domicile. Si le IV de l'article 37 du décret du 29 octobre 2020 modifié n'autorise pas, dans les territoires mentionnés à l'annexe 2, l'accueil du public entre 6 heures et 19 heures pour les soins de beauté, l'atteinte ainsi portée à la liberté d'entreprendre ainsi qu'à la liberté de commerce et d'industrie invoqués par les sociétés requérantes doit s'apprécier au regard de la limitation des déplacements des personnes qui en résulte ainsi que de la gravité non contestée de la situation sanitaire. A cet égard, la restriction apportée à l'accueil du public dans les instituts de beauté contribue à l'objectif de réduire les déplacements des personnes sans mettre en cause l'obligation de garantir l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité fixée par le 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la mesure contestée, en l'état de la situation sanitaire, ne présente manifestement pas un caractère adapté, nécessaire et proportionné. Elle ne porte pas, dès lors, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées.
9. Par ailleurs, si les sociétés requérantes se prévalent d'une rupture d'égalité avec les salons de coiffure, une telle méconnaissance, à la supposer établie, n'est pas de nature à révéler, par elle-même, une atteinte à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête présentée par les sociétés Guinot et Mary Cohr doit être rejetée, y compris les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des sociétés Guinot et Mary Cohr est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés Guinot et Mary Cohr ainsi qu'au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.